A la recherche                           d'Arthur Heimendinger                                    et de Suzanne Wixler

 

Lorsque j'ai cherché à savoir ce qu'avaient vécu les descendants Heimendinger pendant la guerre, je suis arrivé à un problème concernant Arthur Heimendinger et Suzanne Wixler.

 

Arthur Heimendinger

Arthur Heimendinger est né le 23 novembre 1880 à Grussenheim (acte de naissance n° 46). Fils de Salomon Heimendinger et d'Henriette Samuel.

Il est médecin à Strasbourg. Il habite rue Fischart.

 

Il se marie en 1908 avec Berthe Hirschbaum, née à Strasbourg en 1886.

 

La villa d'Arthur Heimendinger, état actuel
La villa d'Arthur Heimendinger, état actuel

En 1940, il rejoint son frère Sylvain, qui était marchand de houblons à Hagueneau et qui s'est réfugié en Auvergne, à Néris-les-Bains avec sa femme, Marguerite Netter et leur fils Claude. Ils habitent la Maison Chambenoit, rue de Paris.

Ils se font recenser comme Juifs français à Néris-les-Bains en 1941.

 

Archives départementales de l'Allier (côte 756 W 1)
Archives départementales de l'Allier (côte 756 W 1)

Ils sont à nouveau amenés à se faire enregistrer fin 1942 dans un "Etat des Israélites Français s'étant soumis aux lois des 9 novembre et 11 décembre 1942" 

On peut noter que dans ce second "Etat", Claude, le fils de Sylvain et Marguerite, ne figure plus, il est parti à Clermont-Ferrand. Il y sera arrêté et déporté en 1943. Par contre Henri Heimendinger, un autre frère d'Arthur et de Sylvain est maintenant lui aussi à Néris-les-Bains.

Dans aucun de ces documents n'apparaît le nom de Berthe ni de leur fils Ernest.

 

La rafle du 12 mai 1944 :


la GESTAPO de Montluçon procède à une rafle à Néris-les-Bains et arrête 19 personnes, toutes juives.


Certains seront internés à Vichy, d'autres à Montluçon.

Ils seront transférés à Drancy le 26 mai.


Le 30 mai 1944 ils sont déportés vers Auschwitz par le convoi n° 75 pour y être assassinés.


Incidemment, 

Cherchant tout ce que je pouvais trouver concernant Arthur Heimendinger et sa famille, j'ai lu cette courte évocation par Jean Arp (dans la revue Mélusine n° IX de 1987 consacrée à Jean Arp page 276 : 

 

... A Strasbourg les superbes peintures murales que Sophie Taeuber avait réalisées dans la maison du Docteur Heimendinger furent détruites par les Nazis. Cela avait dû être pour les forbans nazis un véritable régal. Ces œuvres de Sophie Taeuber avaient été réalisées au cours des années 1925-1927, en même temps que ses décors à "l'Aubette". Je ne peux m'empêcher de penser et de repenser à ces dévastations et me demande quel sens peut avoir un tel malheur. La destination de telles épreuves serait-elle d'aider les hommes à se détacher des réalités terrestres ? Notre ami Heimendinger fut en tout cas contraint de se séparer totalement de cette terre et de son corps. Il fut déporté et brûlé dans un camp de concentration.... (Hans Arp, 1958, traduit par Aimée Bleikasten)


En fait, la maison des Heimendinger a été réquisitionnée par l'armée allemande pour loger un Etat-major de la Luftwaffe ; le décor moderne relevant de "l'art dégénéré" selon les classifications nazis, fut masqué par une couche de peinture. Des travaux de rénovation menés par la petite fille d'Arthur Heimendinger en 1999 ont révélé fortuitement des éléments de décor peint, conduisant au classement à l'inventaire des Monuments historiques  (voir l'article de Dominique Toursel-Harster dans la revue Cahiers Alsaciens d'Archéologie d'Art et d'Histoire année 2001 pages 165-169).

Suzanne Wixler



Par ailleurs, en consultant le "Mémorial de la Déportation" de Haute-Savoie, établi par Michel Germain, j'ai lu (page 324) deux notices concernant Arthur Heimendinger et de Suzanne Wixler qui auraient été arrêtées à la frontière suisse par les douaniers d'Annemasse, détenus au Pax d'où ils auraient été transférés à Drancy et déportés à Auschwitz.

 

A Drancy, une première liste de détenus établie pour le convoi du 30 mai 1944 vers Auschwitz, mentionne sous Heimendinger Arthur, Heimendinger Marguerite (Netter) et Heimendinger Suzanne Wixler. 


document ITS, Bad Arolsen, 1.1.9.9 / 11191015
document ITS, Bad Arolsen, 1.1.9.9 / 11191015

Puis le nom de Suzanne Wixler disparaît de la liste définitive du convoi 75.

Une explication est trouvée au CDJC (Mémorial de la Shoah).

 

Le 12 juin une note de service signée par Emmanuel Langberg, Commandant-adjoint du Camp de Drancy, nomme "l'internée Heimendinger Suzanne, matricule 23186, assistante sociale chargée de s'occuper des enfants à leur arrivée à Drancy." (Archives du CDJC Mémorial de la Shoah, document  DLXIII-16).

 

Elle n'a pas été déportée pour être affectée à cette tâche.

 

D'autres informations au BAVCC (Caen).


Le dossier des archives du BAVCC permet de reconstituer le parcours de Suzanne Wixler.

Suzanne Wixler, née à Bâle le 1er décembre 1910, fille de Léon Wixler et de Florence Braunschwig, s'est mariée avec Sylvain Heimendinger, fils d'Abraham et de Sara Heimendinger.


Pendant la guerre, ils sont évacués d'Alsace et se réfugient en Haute-Savoie, à Evian semble-t-il, avec leur fille Danielle.


En avril 1944, quand les arrestations de Juifs se multiplient dans la région, un ancien camarade de Sylvain Heimendinger qui avait été au collège à Colmar avec lui, Jules Kempf, ingénieur à Evian, indique à Sylvain qu'il connaît un homme de Thonon capable de le guider à travers la frontière suisse.

Sylvain Heimendinger convient des conditions du passage avec cette personne.


Le 26 avril 1944, Jules Kempf accompagne les Heimendinger jusqu'à Thonon en train. Là ils retrouvent le passeur.


Ensuite on retrouve la trace de Sylvain Heimendinger en Suisse.

Il a été enregistré et figure sur la liste des personnes contrôlées par l'administration du Canton de Genève.


Par contre Suzanne et sa fille Danielle ont été arrêtées le 26 avril à Tholomaz. Les documents figurant dans le dossier du BAVCC indiquent que cette arrestation a été effectuée par la police allemande (Sicherheits Dienst), d'autres sources indiquent que ce sont les douaniers français....

 

Suzanne Wixler-Heimendinger est emprisonnée au Pax, la prison d'Annemasse, puis transférée à Drancy. Là elle est d'abord mise sur la liste du convoi 75 pour Auschwitz, puis retirée pour être chargée des enfants comme on l'a vu plus haut.


Et le 20 ou le 21 août 1944, au moment même où se déroulent les combats pour la Libération de Paris, Suzanne Wixler-Heimendinger est libérée de Drancy. Un certificat daté du 21 août 1944, signé par Georges Edinger, Président général de l'UGIF figue dans le dossier de Suzanne Heimendinger au BAVCC, qui certifie qu'elle a été libérée ce jour mais que sa carte d'alimentation ne lui a pas été remise....


Suzanne Wixler-Heimendinger et Sylvain Heimendinger ont ensuite vécu à Colmar où ils habitaient 56 avenue de la République.