Bières lyonnaises

J'avoue. Il ne m'était jamais venu à l'esprit que Lyon avait été une cité de brasseurs. Puis à l'automne dernier la nouvelle est tombée :

« Le Progrès » (6 octobre 2015) :

 

La bière noire du Ninkasi meilleure bière de catégorie « Porter » du monde

 

Médaille d'or pour la bière noire du Ninkasi : le breuvage élaboré par la brasserie lyonnaise vient d'être désigné par le jury du World Beer Awards de Londres 2015 comme la meilleure bière de catégorie Porter au monde. Plusieurs bières venues de quatre coins du globe ont été distinguées, par catégories. La Ninkasi Noire est décrite comme douce et moelleuse, possédant des arômes marqués de caramel et de chocolat.

 

Nous sommes donc allés goûter cette bière ; oui, c'est bon ! très agréable même.

Et puis j'ai cherché quelques informations sur la bière à Lyon.

 

Magie d'internet, j'ai pu lire le texte d'une conférence du "Lyon Cervoise Club" qui réunit des collectionneurs de tous les objets de brasseries, des amateurs de bonnes bières, des passionnés d’histoire brassicole lyonnaise.... dont j'emprunte ici quelques passages, avec un lien qui vous permet de retrouver la totalité.

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Rappelons les ingrédients essentiels d’une bière actuelle : une céréale (généralement de l’orge), de l’eau (plus de 90% de la bière), du houblon, de la levure. L’importance de l’eau ne vous échappe pas. C’est une des raisons de la présence des brasseurs à Lyon qui, en dehors d’avoir été de tous temps un carrefour européen, possède une eau à la qualité incomparable et en quantité inépuisable…

... Bien avant Lugdunum, les tribus gauloises installées à Condate au pied de la Croix-Rousse pouvaient ripailler avec la Cervoise avant que leurs successeurs puissent, dès le Moyen-âge déguster ce qui deviendra la célèbre Bière Noire de Lyon.

... La venue de tous ces brasseurs eut aussi des raisons politiques. La mise à sac de l’Europe par des guerres continuelles, amenèrent certains allemands à venir chercher de meilleures conditions de vie en France dès le milieu du 18ème siècle, puis la chute de Napoléon III en 1870 contraint de nombreux alsaciens à s’exiler par chez nous bien avant la dérive de 1914-18. ... Bière Noire de Lyon, ou Porter, un drôle de nom qui signifie une bière noire, très maltée et amère, généralement peu houblonnée mais on va voir que chez nous l’adjectif « peu » n’est guère usité. La bière noire de Lyon fut d’abord brune. En effet, la machine à rôtir les malts ne fut inventée qu’en 1817. Avant cette année, tous les malts étaient brunâtres et donc bien difficile de faire une Blonde et tout autant difficile de faire une Noire. Les bières brassées à Lyon étaient des bières dites ‘’fortes’’ de fermentation haute. Elles étaient moelleuses et sucrées, maltées et très houblonnées. Les brasseurs lyonnais suivaient la même technique qu’à Paris ou Lille mais ne respectaient guère les dosages admis… En fait, la Bière de Lyon était fabriquée avec plus de tout : plus de malt, un malt ambré à ‘’l‘odeur de pain bis sortant du four’’, qui nécessitait un brassage énergique au fourquet (vu la quantité de malt il valait mieux avoir de gros bras). Plus de houblons, ce qui amena de nombreux négociants à venir s’installer à Lyon… Le houblon lyonnais viendra d’Alsace et de Bourgogne, mais aussi d’Allemagne et de Bohême. En outre, lors de la fermentation, on se servait de plus de levures qu’ailleurs. La bière ordinaire ou Bière de débit subissait une fermentation de 4 à 5 semaines (contre 5 à 6 jours dans le nord de la France). La garde en tonneau se prolongeait ensuite 4 à 5 mois. La bière de Lyon titrait environ 4°, pour la bière de débit, et 5°, pour la bière de garde…

 

... La réputation des brasseries lyonnaises amenait de nombreux brasseurs à venir s’instruire chez nous. En fait, jusque vers 1840, Lyon précéda même Strasbourg dans ce domaine et s’imposa à la pointe de l’industrialisation de la brasserie.

... La brasserie Georges est une prouesse architecturale avec sa salle immense de 710 m², sans aucun pilier, sa salle de billards et son imposante véranda où 300 personnes pouvaient prendre place. Les bières, brassées sur place et servies dans les bocks en grès aux initiales du propriétaire, accompagnaient la généreuse choucroute. La brasserie devient un des centres attractifs de Lyon et, c’est serein que Georges laisse les rênes à ses enfants en 1857. A sa mort, en 1873, son gendre Mathieu Umdenstock consolide l’entreprise en créant avec ses beaux frères cinq autres grandes brasseries de débit. La fabrique de bière Georges installée 5, montée de Choulans, avec d’immenses caves au n°8, pouvait abreuver tous ces lieux de libations et bien d’autres cafés dans et autour de Lyon.

 

....De 1970 à 1993, Lyon eut le temps d’oublier son passé brassicole. Pils et Blonde des grands groupes avaient envahies les comptoirs français. Néanmoins le frémissement d’un renouveau brassicole se faisait sentir en France où dès 1984 les premières brasseries artisanales apparurent en Bretagne. A Lyon, quelques pubs avaient ouvert, comme l’Albion, en 1982, rue Ste Catherine (surnommée rue de la soif… vue le nombre de pubs). C’est de ce dernier qu’allait venir la renaissance... La bière et le pub remportent un franc succès… malheureusement de courte durée, les brassages cesseront en 1996. Entre-temps un autre résident de la rue Ste Catherine ouvre une brasserie à la Croix-Rousse : le Café Chantecler, fabrique de bières, sert ses premiers brassins le 17 juin 1994. Raymond Rushforth, anglais et enseignant s’est converti au brassage. Dans ce lieu magique de la Place des Tapis, Raymond produit 400 hectolitres de Rushforth Blonde, Bitter et Rousse, toutes plus britanniques les unes que les autres. Cette nouvelle approche plaît au public jeune de ce quartier populaire. Le succès est immédiat et mérité.... Le succès du Chantecler est suivi par un pari stéphanois à Lyon ! En septembre 1997, ouvre à Gerland, sur plus de 1000 m², une incroyable unité de brasserie doublée d’un café et d’une scène pour musiques diverses : le NINKASI. Le pari est osé, mais Christophe Fargier, premier brasseur du Ninkasi (Ninkasi n’est pas japonaise mais une antique déesse des céréales et de la bière à Sumer), donc Christophe Fargier et ses amis stéphanois et américain vont profiter de la restructuration du quartier et de l’engouement pour la Coupe du Monde 1998. Les débuts sont difficiles mais le bouche à oreille amènera à la brasserie la clientèle nécessaire à sa survie…  Après douze ans et de multiples transformations, la brasserie s’est imposée dans le paysage lyonnais et a réussi son pari. Bière, restauration et concert, la brasserie est le trait d’union parfait avec les grandes salles de débit de la fin du 19ème siècle. Les bières Ninkasi brassées aujourd’hui par David, Fred et Julie sont régulièrement primées et peuvent être dégustées à Gerland bien sûr mais aussi dans les nombreux cafés ouverts par la brasserie (Ampère, Ferrandière, Opéra, Sans Souci, Gratte Ciel et même à St Etienne). Revenons au temple Lyonnais du cours de Verdun, la Brasserie Georges : Didier Rinck, propriétaire et sauveteur de la Georges, avait l’envie de brasser à nouveau au sein du monument lyonnais (nous sommes nombreux au club à l’avoir encouragé). Le succès du Chantecler et du Ninkasi (auquel il ne croyait pas) aurait dû lui permettre de franchir le pas mais il vendra sa brasserie avant de le faire. Lameloise, fils du restaurateur étoilé de Chagny, bien secondé par son directeur Jacky Gallmann, remit les brassages au goût du jour en mai 2004. Robert Combet (ex-brasseur du Marais à Villefranche sur Saône) arriva alors à Lyon avec son unité de brassage et ses bières. Servie sous le nom de Pils du Marais, la bière prendra vite le nom de Georges. Un moment historique pour Lyon car dès les derniers fûts de Rinck passés, cette dernière disparue définitivement de la carte. La Rinck aura vécu de 1859 à 2004, un âge vénérable. En contre coup un autre évènement se produisait : après avoir existé de 1836 à 1939, la Georges renaissait de ses cendres pour un succès retentissant.

....L’histoire brassicole lyonnaise est donc repartie de plus belle avec deux conceptions différentes de la brasserie mais deux succès garantis. 

 

le texte complet est à retrouver en suivant ce lien :

http://amisdeguignol.free.fr/texte/conference/conf_100424.pdf

L'entrée "art déco" de la Brasserie Georges
L'entrée "art déco" de la Brasserie Georges
La bière "Georges" brassée sur place
La bière "Georges" brassée sur place

Et donc nous sommes allés déguster les bières chez Ninkasi et faire quelques provisions...

 

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