Notes de voyage en Allemagne

Berlin, Potsdamer Platz, juillet 2015, photo Pierre-Gilles Flacsu
Berlin, Potsdamer Platz, juillet 2015, photo Pierre-Gilles Flacsu


Juillet 2015. Nous sommes partis pour Berlin.

J'ai effectué plusieurs séjours dans cette ville il y a très longtemps, avec mes amis d'enfance Jean-Jacques, Jacques et Suzie en 1964 ou 1965, puis j'y suis retourné avec un groupe d'élèves de l'Ecole de Journalisme en 1967.


Depuis j'ai fait plusieurs voyages professionnels à la Foire du livre de Francfort. C'était tout à fait intéressant mais il s'agissait d'une manifestation mondiale dans l'enceinte d'une foire et l'on ne se retrouvait à proprement parlé en Allemagne que pour les petit-déjeuners et les dîners dans le vieux Sachsenhausen.


Cinquante ans après mes précédentes visites berlinoises presque tout a changé même si quelques repères permettaient de voir qu'il s'agissait des même lieux.

Le mur, la coupure de la ville en deux, la sensation d'être à Berlin-ouest dans une prison dorée, déterminaient profondément non seulement l'image de la ville, mais les comportements des habitants et des visiteurs.

Le passage de Checkpoint Charlie en voiture avec mes amis était un moment de forte poussée d'adrénaline....


En 1967, lors du voyage effectué avec un groupe d'élèves de l'Ecole de Journalisme, nous étions passés à l'Est par le métro. Il fallait prendre la ligne 6 qui était la seule à rejoindre le nord et le sud de l'agglomération en secteurs occidentaux en traversant au centre sous le secteur soviétique. Les trains passaient sans s'arrêter dans les stations fantômes gardées par des rangées de Vopo (Volkspolizei) en armes et s'arrêtaient à la station Friedrichstrasse.

Nous pouvions alors passer les contrôles de police, changer 5 DM de l'ouest contre 5 Marks de la RDA et circuler dans Berlin est.


Avant d'arriver à Berlin, j'avais lu une brève note dans "Le Monde" qui faisait état de la publication en RDA d'un livre de dénonciation du "sionisme" qui reprenait pour caractériser les "sionistes" des archétypes anthropométriques aux relents nauséabonds que l'on aurait pu croire disparus depuis 1945. Je me suis rendu dans une librairie sur la Karl-Marx-Allee, je crois qu'elle s'appelait tout simplement la Karl Marx Buchhandlung et j'ai trouvé le livre en question, de parution récente comportant effectivement les schémas anthropomorphiques par lesquels les "savants" nazis avaient autrefois voulu décrire la "race" juive. J'avais pu vérifier la véracité de l'information lue dans "Le Monde", mais je n'ai pas acheté le livre, ce que j'ai ensuite beaucoup regretté.

Nous avions rendez-vous au siège de "l'Union des Journalistes allemands", l'organisme qui gérait cette profession en RDA. Notre petit groupe d'apprentis journalistes était attendu et nous avons été reçus très protocolairement par des officiels parlant très bien le français, responsables de haut rang dans les institutions de la RDA.

Très rapidement les questions posées par mes condisciples ont porté sur la "liberté de la presse" en régime socialiste.

Cela n'était pas de nature à émouvoir ni à déstabiliser nos hôtes habitués à manier la rhétorique officielle.

Je suis intervenu pour dire que si l'on acceptait l'idée qu'en régime socialiste la liberté de publier est totale sauf pour les ennemis de la liberté, ce qui résumait leurs positions, il me semblait que le livre que j'avais pu voir le jour même n'aurait pas dû pouvoir être édité en RDA.

La réaction fut très violente, menaçante, demandant des excuses... et la réunion a été levée de manière très peu protocolaire.


Nous avons repris notre visite de Berlin puis nous sommes retournés à la station de métro Friedrichstrasse pour rentrer. Au contrôle des passeports, mes camarades sont tous passés sans encombre. Quant à moi je suis resté plusieurs heures sans aucune explication, attendant que l'on me restitue mon passeport et que je puisse reprendre mon chemin.

C'est finalement ce qui s'est passé au bout de plusieurs très longues heures...

 

Aujourd'hui il y a un petit business de la nostalgie de la RDA, le Musée de la RDA en est l'expression, il y a des circuits touristiques "Good bye Lénine" suivant les lieux du film, il y a des locations de Trabant pour circuler dans Berlin en pétaradant.


Il y a aussi des restes du mur, principalement utilisés pour des expressions graphiques de "street art" et il y a les touristes arrivant en car à Check Point Charlie pour se faire photographier avec les figurants qui jouent au GI's.





Ce qui m'avait profondément marqué il y a cinquante ans, c'était la vitalité des berlinois, la volonté affichée de vivre au maximum les instants présents car on ne savait pas ce que serait demain.

 

Aujourd'hui il n'y a plus cette incertitude existentielle (du moins pas plus qu'ailleurs), mais Berlin paraît être une ville en pleine effervescence, bouillonnante, jeune, belle...



 

Vu sur "Arte" depuis notre retour :

Paris-Berlin, capitales l'une pour l'autre

Entre fascination et rivalité, les capitales française et allemande se sont construites le regard rivé l'une sur l'autre. L'érudit documentaire “Paris-Berlin, destins croisés” fait le tour de leurs édifices emblématiques.

En quatre parties d'une grande érudition, Paris-Berlin, destins croisés raconte l'histoire de deux villes européennes qui n'ont cessé de se mesurer l'une à l'autre. L'oeuvre du documentariste Frédéric Wilner, passionné d'histoire, d'urbanisme et d'architecture, qui revient pour nous sur quelques édifices emblématiques des deux capitales.

De porte à porte

« Érigée à Berlin en 1788, sur cette place Quarré (actuelle Pariser Platz) qui évoque notre place Royale (actuelle place des Vosges), la porte de Brandebourg se présente à l'origine comme un témoignage d'admiration de la Prusse envers la France — preuve que l'hostilité prusso-française n'avait rien d'une fatalité. Le quadrige qui la surmonte est lui-même un symbole de paix, la déesse de la Victoire et son char étant tournés vers l'intérieur de la ville. Cette aspiration à une Europe apaisée a eu tôt fait de tourner au vinaigre, lorsque Napoléon a décidé, en 1806, d'emporter le quadrige à Paris... pour ne rien en faire. L'humiliation symbolique que l'Empereur a provoquée outre-Rhin n'a été lavée qu'après sa défaite, quand le quadrige a été ramené triomphalement à Berlin, et enrichi d'une croix de fer et d'un aigle prussien, transformant ce symbole de paix en symbole de victoire nationale. Voilà comment une magnifique oeuvre d'art est devenue un motif de catastrophes en chaîne. Quant à la porte elle-même, devenue le symbole de la ville de Berlin, elle entre en résonance avec les portes de Paris, conçues à peu près à la même époque par Nicolas Ledoux comme des ouvertures monumentales sur la ville. Des monuments extraordinaires, de vraies performances architecturales qu'on aurait pu conserver intactes — comme on a conservé la porte Saint-Denis —, mais qui, pour la plupart, ont été détruites par les travaux d'Haussmann. »

De Case en cages

« Imaginée à la fin des années 1920, la Case de l'oncle Tom est un exemple de ce que Berlin a produit de meilleur, en terme de logements sociaux. Aujour­d'hui encore, cet ensemble que les nazis ont qualifié d'« architecture des toits plats » — architecture qu'ils ont interdite, la taxant de « juive et communiste » — reste un modèle tant fonctionnel qu'esthétique né d'une réflexion approfondie  sur la fonction de l'habitat et l'utilisation raisonnée de l'argent ­public. Tout y était ­organisé pour que l'air circule et que la ­lumière pénètre dans des appartements ouverts sur la nature. Le volume et l'organisation des pièces étaient étudiés pour que ces logements soient à la fois le moins coûteux et le mieux adaptés possible à la vie quotidienne d'une famille modeste.

Modèle qui n'a pas été celui des architectes français appelés à répondre, au sortir de la Grande Guerre, à la crise ­sociale et urbaine qui régnait à Paris. Parce que c'était plus simple, ces concepteurs peu novateurs, héritiers du baron Haussmann, n'ont appliqué aucun de ces préceptes quand ils ont créé ces logements de brique rouge qui bordent les boulevards des Maréchaux, fameuses habitations à bon marché, ancêtres des HLM . Faute de modernité, ils sont à l'origine de cette ceinture rouge qui, tout en offrant quelques jolis bâtiments, ne remplit aucune des fonctions qui lui étaient assignées... »

 

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