Présence de l'histoire,                                   mémoire et Mémoriaux

 

A Berlin l'histoire est omniprésente. Partout le visiteur est face aux traces du passé, et ici d'un passé particulièrement chargé. 



Les rues portent des noms évocateurs - certes c'est le cas ailleurs - mais cela semble plus prégnant ici  et l'on va dans un bar à vins sur la Karl-Marx-Allee, ou sur la rue de la Commune de Paris, puis à une visite rue Rosa-Luxembourg ou rue Karl-Liebknecht, l'hôtel se trouve sur la rue Rudi-Dutschke... et l'on se retrouve à l'ouest sur la rue Hannah Arendt, Ben Gourion ou Itzak Rabin...


Les bâtiments officiels ou administratifs sont tous ou presque rehaussés d'une plaque qui rappelle qu'ici telle personne a vécu ou travaillé... et a été victime du régime national-socialiste.

Cette plaque apposée près de l'entrée d'un tribunal, rappelle la mémoire de Hans Litten, infatigable combattant pour l'humanité, la paix, défenseur des opprimés, mort au camp de concentration de Dachau en 1938.


Dans Wikipédia nous trouvons cette notice : Hans Achim Litten, né le 19 juin 1903 à Halle-sur-Saale et mort le 5 février 1938 à Dachau, dans le camp de concentration, est un avocat allemand antinazi.

Il est le fils de Fritz Litten (1873-1940), juriste issu d'une famille juive, mais converti au luthéranisme, professeur de droit à l'université de Königsberg, puis recteur de cette institution (la famille s'installe à Königsberg dès 1906). Hans Litten est baptisé, mais est ensuite intéressé par ses origines juives : adolescent, il étudie l'hébreu, qu'il choisit comme matière d'examen pour son Abitur.

Sous la République de Weimar, il défend les droits des ouvriers.

Entre 1929 et 1932, il défend des opposants au nazisme lors d'importants procès politiques. Il devient célèbre, en 1931, en appelant Adolf Hitler, alors leader du NSDAP à la barre des témoins et en lui faisant subir un contre-interrogatoire de près de trois heures. Hitler sort tellement ébranlé de cette épreuve qu'il interdit à quiconque de mentionner le nom de l'avocat en sa présence.

Hitler, devenu chancelier du Reich le 30 janvier 1933, fait arrêter Litten durant la nuit de l'incendie du Reichstag (28 février 1933), en même temps que d'autres avocats. Un de ses amis, Erich Cohn-Bendit, le père de Daniel Cohn-Bendit, décide alors de quitter l'Allemagne pour se réfugier en France.

Litten passe les cinq années suivantes dans différents camps de concentration, endurant la torture au cours de nombreux interrogatoires. Il finit par se suicider dans le camp de concentration de Dachau.


Les Stolpersteine

Ici vivait Hannah Karminski, née en 1897, déportée en 1942, assassinée à Auschwitz
Ici vivait Hannah Karminski, née en 1897, déportée en 1942, assassinée à Auschwitz

 

A quelques maisons de la nouvelle Synagogue, sur le trottoir de la Oranienburgerstrasse on peut voir cette plaque.

Il y en a beaucoup du même type, on les remarque ou pas...

 

J'ai à nouveau eu recours à Wikipédia :

Gunter Demnig
Gunter Demnig

Stolpersteine (pluriel de stolperstein et signifiant obstacles mais que l'on peut traduire littéralement par pierres d'achoppementpierres sur lesquelles on peut trébucher) est une création de l'artiste berlinois Gunter Demnig (né en 1947).

 

Ce sont de petits dés de béton ou de métal de 10 cm de côté enfoncés dans le sol. La face supérieure, affleurant, est recouverte d'une plaque en laiton qui honore la mémoire d'une victime du nazisme. Chaque cube rappelle la mémoire d'une personne déportée, puis assassinée dans un camp de concentration ou dans un camp de la mort parce qu'elle était Juive, Rom, Sinté (Tzigane), Communiste, membre de la Résistance, homosexuelle, témoin de Jéhovah, chrétienne en opposition au régime nazi ou handicapée.

 

Encastrées dans le trottoir devant le dernier domicile des victimes, plusieurs milliers de Stolpersteine ont ainsi été posées depuis 1993, principalement en Allemagne mais aussi dans d'autres pays européens.

 

Origine de l'expression Stolperstein

Avant la Shoah, quand le non-Juif trébuchait sur une pierre ou sur un monticule de gazon, un dicton ancien allemand lui faisait dire : « Il y a un juif enterré ici. »

 

Gunter Demnig a recherché les données des personnes qui ont été pourchassées et déportées pendant la période du nazisme. Il a fait ses recherches en fouillant dans des archives, sur la base de données sur le sort des victimes du Mémorial de Yad Vashem de Jérusalem, en coopération avec des musées et écoles ainsi qu'avec des survivants et familles. Si des données sont disponibles, Gunter Demnig crée alors des Stolpersteine. Il les encastre dans le sol des rues publiques devant les maisons ou immeubles où résidaient les personnes déportées ou arrêtées. Sur chaque plaque est marqué « ici habitait » (Hier wohnte) avec ensuite le nom, la date de naissance et le destin individuel de chacun.

Ces pierres d'achoppement sont financées par des dons, des collectes et des parrainages obtenus de citoyens, de témoins du passé (Zeitzeugen), de classes d'écoles, de membres d'associations professionnelles et de communes. Il faut 95 euros pour installer une pierre.

 

Les premiers Stolpersteine

En 1993, lors d’une action artistique en souvenir de la déportation massive des Roms, Demnig a eu l’idée des « Stolpersteine ». La première exposition du projet a été réalisée en 1994 dans l'église des Antoines à Cologne. En 1995, sans autorisation et pour essayer, Gunter Demnig a placé les premières Stolpersteine dans les rues de Cologne et dans la rue Oranienstraße du quartier de Kreuzberg à Berlin. En 1996, il a encastré 55 pierres à l'issue du projet « artistes à la recherche d'Auschwitz » à Berlin. Incité par l'Initiative artistique KNIE et le Service autrichien en mémoire de l'holocauste, il plaça en 1997 les premièress Stolpersteine pour les témoins de Jéhovah à St. Georgen près de Salzbourg. Friedrich Amerhauser est le premier maire, ayant autorisé Gunter Demnig, à placer les Stolpersteine. Quatre ans plus tard, après avoir surmonté les obstacles administratifs et les doutes de la ville de Cologne, il fut autorisé à placer 600 pierres.

 

Pariser Platz : Ici vivait Martha Liebermann, née Marckwald en 1857, suicidée le 10 mars 1943 avant d'être déportée. Martha Liebermann était la veuve de Max Liebermann, le plus célèbre peintre impressionniste allemand.
Pariser Platz : Ici vivait Martha Liebermann, née Marckwald en 1857, suicidée le 10 mars 1943 avant d'être déportée. Martha Liebermann était la veuve de Max Liebermann, le plus célèbre peintre impressionniste allemand.

Plus de 17 000 Stolpersteine en Allemagne

On trouve des milliers de pierres commémoratives dans de nombreuses villes allemandes comme Berlin, Hambourg ou Cologne et plusieurs centaines dans d'autres villes comme Stuttgart, Francfort-sur-le-Main, Bonn ou Fribourg-en-Brisgau.

Par les articles et reportages dans les médias, les citoyens intéressés sont ainsi incités à aller voir ces pierres commémoratives sur les différents lieux de leur implantation. D'autres personnes découvrent les pierres par hasard en flânant dans les rues et se demandent comment cela pouvait se passer. À Hambourg, on a demandé aux personnes habitant près d'une pierre de la faire briller avec un produit de nettoyage pour les métaux.

Depuis 1996, environ 17 000 pierres d'achoppement ont été installées (chiffre à fin 2008) dans 400 villes et villages d'Allemagne.

On a aussi posé des pierres en Autriche, en Belgique, en Hongrie, en Italie, et aux Pays-Bas.

 

En janvier 2015, à Turin a été posée la 50.000e pierre d’achoppement en Europe, qui rappelle la mémoire de Eleonora Levi, déportée à Auschwitz, bien que gravement malade, en 1944 en tant que juive.

 

Les traces des destructions guerrières

Le vestige le plus célèbre est l'église du souvenir "Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche" sur le Kurfürstendamm. Mais la ville qui portait encore les stigmates de la seconde guerre mondiale lors de mes précédentes visites est maintenant très largement cicatrisée.  

Le clocher ancien de l'église du souvenir de l'Empereur Guillaume, avec à gauche l'église moderne...
Le clocher ancien de l'église du souvenir de l'Empereur Guillaume, avec à gauche l'église moderne...
Ruine der Franziskaner Klosterkirche
Ruine der Franziskaner Klosterkirche

La mémoire de la division de Berlin et de la RDA.

Outre les morceaux du mur encore debout là où ils interdisaient tout passage, il y a des bouts de mur érigés en divers lieux.

le mur sur quelques centaines de mètres sur Mühlenstrasse au bord de la Spree (photo Annie Bentolila-Flacsu)
le mur sur quelques centaines de mètres sur Mühlenstrasse au bord de la Spree (photo Annie Bentolila-Flacsu)
Morceaux de mur près de la Potsdamer Platz (photo Annie Bentolila-Flacsu)
Morceaux de mur près de la Potsdamer Platz (photo Annie Bentolila-Flacsu)

Et à Checkpoint Charlie la mémoire est un commerce touristique pour vendre de tout, uniformes, drapeaux, cartes postales, burgers et coca cola...

Checkpoint Charlie avec des figurants jouant les GI's qui sont photographiés toute la journée par les touristes
Checkpoint Charlie avec des figurants jouant les GI's qui sont photographiés toute la journée par les touristes

Autre petit commerce qui semble prospère, la location de Trabant pour circuler dans Berlin comme au bon vieux temps de la DDR...

Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015

Sur ce qui fut la Stalinallee puis la Karl-Marx-Allee, et qui porte toujours ce nom, les bâtiments qui ont fait la fierté du régime ont changé d'occupants et ont gardé leur rigidité soi disant "socialiste".

La Volksbühne est un théâtre de Berlin (das Volk signifie : le peuple, die Bühne : la scène, le théâtre). Sa création a été décidée en 1890 lors de l'assemblée générale de l'association "Freie Volksbühne“, émanant d'un mouvement parti des couches populaires. 

 

La Volksbühne en 1930.

C'est grâce aux dons des membres de l'association („Arbeitergroschen“ der Arbeiter : le denier des travailleurs) que la somme nécessaire à la construction du théâtre a été possible et que les travaux ont pu se dérouler de 1913 à 1914 avec comme architecte Oskar Kaufmann. La Volksbühne qui se situait sur la place qui se nommait alors Bülowplatz fut le premier théâtre de Berlin à être construit en style « Moderne » (Art Nouveau ?). Le théâtre avait une capacité de presque 2000 spectateurs. Peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, une bombe toucha le bâtiment qui brûla. Entre 1952 et 1954, il fut reconstruit et simplifié par Hans Richter qui réduisit le nombre de places à 800.

 

 

En 2000 « Endstation Sehnsucht » (Terminus ennui) a été primé comme le Meilleur Spectacle de langue allemande (beste deutschsprachige Aufführung) aux Nestroy-Theaterpreis, équivalent des Molières en France, une adaptation d‘Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams. En 2003 Bert Neumann et Jan Speckenbach ont reçu un „Nestroy“ du meilleur décor pour Forever Young, une adaptation déconstruite de la pièce de Tennessee Williams, utilisant la vidéo en prise directe et segmentant la scène en différents espaces parfois caché au public. En 2005 ce fut au tour de Dimitri Gotscheff d'être récompensé pour sa mise en scène d'Ivanov de Tchekhov, une mise en scène avec pour seul décor de la fumée.

 

Accolé au bâtiment de la Volksbühne, deux clubs le Roter Salon (Salon rouge), où trône un portrait de Lénine, et le Grüner Salon (Salon vert) possèdent leur propre programmation qui se mêle parfois à celle de la Volksbühne.

 

La Volksbühne possède son école de théâtre dont les élèves se produisent au troisième étage.

Le logo de la Volksbühne, créé en 1992 par Bert Neumann, trône sur la pelouse devant la Volksbühne. Il marque une image engagée de ce théâtre dont le bâtiment est actuellement surmonté par « OST » (Est) en néon bleu, la Volksbühne ayant été le théâtre officiel de la RDA. Dans la tradition du théâtre politique initiée par Erwin Piscator, la Volksbühne s'engage dans les débats de la cité. Elle a longtemps lutté pour la conservation du Palais de la République (Palast der Republik) vitrine de la RDA et point de discussion houleux entre partisans de la conservation des symboles et de leur réutilisation, nostalgiques du régime (voir Ostalgie) et les partisans d'un passé recomposé redonnant au centre historique de Berlin, auquel appartient la Volksbühne, son faste et son unité de style, dont la beauté pompeuse est discutable.

 

Les mémoriaux aux victimes du national-socialisme

Juste derrière la Porte de Brandebourg ces plaques montrent que tout près de la Chancellerie fédérale, du Reichstag et du Bundestag ont été installés le Mémorial aux Sinti et Roms victimes du national socialisme (à 100 mètres à droite), le Mémorial pour les Juifs d'Europe assassinés (à 300 mètres à gauche), le Mémorial aux homosexuels persécutés par le National-socialisme (à 450 mètres à gauche).

Le mémorial aux victimes juives

Georges Marion, correspondant à Berlin, a publié cet article dans "Le Monde" le 10 mai 2005.


L'Allemagne inaugure à Berlin le Mémorial aux victimes de la Shoah


Sur cet emplacement du Berlin historique, en bordure du Tiergarten et à quelques dizaines de mètres de la porte de Brandebourg, s'élevaient, jusqu'en 1945, des bâtiments dépendant de la chancellerie hitlérienne. Enfoui sous terre, se dissimulait le bunker de Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Adolf Hitler, lui-même réfugié dans un bunker similaire, à 200 mètres de là. Après la guerre, le terrain demeura nu, bordé, à l'est, de HLM et, à l'ouest, du Mur qui coupait la ville en deux. Depuis sa disparition, le quartier, d'où l'on aperçoit la coupole de verre du Bundestag, les gratte-ciel de la Potsdamer Platz et, entre les arbres, la silhouette de la nouvelle chancellerie, s'est peu à peu densifié. Mardi 10 mai, point d'orgue aux cérémonies marquant le 60e anniversaire de la fin de la guerre, le Mémorial aux juifs assassinés d'Europe y a officiellement été inauguré au cours d'une cérémonie à laquelle ont pris part quelque mille personnes, survivants de la Shoah, représentants des communautés juives et officiels du gouvernement ou des institutions de l'Etat allemand. Le Mémorial sera ouvert au public le 12 mai. D'ores et déjà il s'annonce comme l'un des monuments les plus importants d'Europe.

 

Ce mémorial souleva des années de tempêtes et de polémiques. L'idée en naquit en 1989, avant même la chute du Mur, à l'initiative d'un groupe de citoyens menés par une journaliste énergique et controversée, Lea Rosh. Premier problème et premiers débats : pourquoi construire un tel mémorial alors que les camps nazis constituent déjà, aux alentours de Berlin comme dans toute l'Allemagne, des mémoriaux appropriés ? Et où le construire ? Divers lieux furent évoqués, dont l'emplacement où se dressait le quartier général des SS. Ce n'est qu'en 1992 que le gouvernement allemand, alors dirigé par le chancelier Helmut Kohl, proposa le terrain définitif. De nouvelles discussions éclatèrent lors de la définition du projet. Fallait-il construire un monument général à la mémoire de toutes les victimes de la solution finale, juifs, Tziganes et homosexuels, ou des monuments spécifiques pour chaque groupe ?

 

C'est cette dernière solution qui fut finalement retenue en 1999, à une faible majorité par les députés du Bundestag. La décision de construire des monuments en souvenir de l'extermination des Tziganes et des homosexuels a, depuis, été prise. "Après de longues et douloureuses discussions, nous avons voulu ce monument pour évoquer le massacre des juifs, car ce fut le pire des crimes du national-socialisme", estimait récemment le social-démocrate Wolfgang Thierse, qui, en sa qualité de président du Bundestag, est l'un des maîtres d'œuvre du projet. "La tentative d'exterminer un peuple tout entier, c'est cela le point de départ."

 

Restait alors à choisir le monument qui allait être construit. Un premier appel d'offres fut lancé en 1994. Après avoir examiné 528 projets, le comité de sélection choisit celui d'une peintre berlinoise, Christine Jackob-Marks, qui proposait d'inscrire les noms des 4,2 millions de victimes recensées de la Shoah. Mais, quelques jours plus tard, le chancelier Kohl, soumis à la pression du maire de la ville, Eberhard Diepgen, notoirement opposé au projet même, et du président de la communauté juive allemande, Ignatz Bubis, mettait son veto à ce projet jugé "trop gigantesque". Débats parlementaires et multiples colloques devaient suivre avant d'aboutir, en juin 1999, après bien des péripéties et un changement de gouvernement, au projet d'aujourd'hui dirigé par l'architecte américain Peter Eisenman, qui, lui-même, a dû plusieurs fois retoucher sa copie.

 

Un dernier incident, en octobre 2003, devait à nouveau illustrer la difficulté de l'entreprise, quand il apparut que le produit destiné à protéger des graffitis les stèles du mémorial était fabriqué par la firme Degussa, dont l'une des filiales, durant la guerre, fabriquait le zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz. La polémique fut particulièrement vive.

 

Les travaux furent arrêtés près d'un mois, puis reprirent, l'architecte assurant que le produit litigieux était le plus adapté, tandis que la firme Degussa expliquait qu'elle contribuait au fonds d'indemnisation des travailleurs forcés et qu'elle finançait elle-même les chercheurs indépendants autorisés à examiner ses archives.

 

Il est difficile de prévoir les réactions que suscitera le mémorial auprès du public appelé à le visiter. Le monument doit prouver qu'il peut s'intégrer à la ville qui l'entoure, garder vivace et rendre acceptable le souvenir qu'il évoque, sans provoquer l'agressivité ou susciter l'indifférence. "Il n'est pas évident pour un peuple de se souvenir, au centre de sa capitale, des pires crimes qu'il a commis", expliquait récemment Wolfgang Thierse.

 

Le Mémorial a été conçu par l'architecte américain Peter Eisenman et l'ingénieur Buro Happold comme un « champ » de 19 073 m², couvert de 2 711 stèles de béton disposées en maillage. Édifiées sur les terrains en jachère libérés dans les anciens « Jardins des Ministres » — au sud de la Porte de Brandebourg — par les démolitions des installations frontalières est-allemandes en 1989-19901, les stèles font 2,42 m de long, 0,95 m de large, et de 0 m à 4,7 m de haut. Elles sont censées produire une atmosphère de malaise et de confusion, représentant un système supposé ordonné qui a perdu le contact avec la raison humaine.

Pendant la visite j'ai été perturbé, dérangé, choqué même par le comportement de nombreuses personnes, des jeunes bien sûr, mais pas seulement...

Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015

Vincent Glad a publié cet article le 18 mai 2015 :

Au Mémorial de la Shoah, pourquoi les touristes sourient-ils sur leurs selfies?


Dix ans après son inauguration le 10 mai 2005, le lieu de mémoire berlinois à la troublante esthétique est devenu un lieu ordinaire pour refaire sa photo de profil Facebook.


Linda présente une duckface parfaite à la caméra avant de son smartphone. Entourée de quelques copines, aussi souriantes qu’elle sous ce beau soleil printanier, la jeune néerlandaise savoure sur l’écran ce selfie à l’esthétique parfaite. «Le lieu est vraiment très beau! C’est la première fois que je vois tant de blocs!», nous explique t-elle. 

Ce temple berlinois de la profile picture a été dessiné par l’architecte américain Peter Eisenmann. Son nom officiel est «Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe». Il est communément appelé «Mémorial de la Shoah», ce qui est plus commode pour les hashtags Instagram.

Aussi étonnant que ça puisse paraître, le malaise est plus perceptible pour le lecteur de cet article que pour le touriste de passage au Mémorial. Partout, entre les stèles représentants les morts de l’Holocauste, des jeunes gens se prennent en photo avec un immense sourire et personne ne semble s’en émouvoir.

«C’est un jeu de se prendre en photo ici»

Nous avons été voir un par un un les touristes pour leur demander pourquoi ils semblaient si heureux sur leurs photos. Tous connaissent parfaitement la raison d’être du lieu. Pourtant, pour la moitié d’entre eux, la question ne se pose même pas. «On s’est pris en photo exactement de la même manière il y a quelques minutes devant la Porte de Brandenbourg! On sourit parce que c’est un souvenir», répond Jens, de Francfort. «C’est un jeu de se prendre en photo ici, c’est vraiment amusant. Je trouve que la lumière est très belle aujourd’hui, avec les jeux d’ombres», explique Marian, venue d’Autriche.

Avec les autres touristes, un certain malaise s’installe au fur et à mesure que nous discutons. «Le lieu est sympa, non?», répond d’abord la Suisse Karin, avant de se raviser:«Je ne peux pas mettre la photo sur Facebook, c’est vrai. Le contexte historique n’est pas aussi beau que le lieu.» Jessica et Victoria viennent de Hong-Kong, elles font un shooting mode entre les stèles du Mémorial et nos questions refroidissent un peu l’ambiance: «Ce n’est pas parce qu’on sourit qu’on manque de respect aux victimes», avancent-elles pour se dédouaner.

Un monument comme un autre

Demander à des touristes pourquoi ils sourient au Mémorial de la Shoah, c’est débarquer dans un grand terrain de jeu avec une pancarte «Attention, mémorial» et refroidir sérieusement l’ambiance. C’est que le Mémorial est fourni sans mode d’emploi. Il est posé au milieu de Berlin, en face de l’immense parc du Tiergarten, et bordé de biergartens et de stands de curry-wurst, sans aucune indication de sa nature.

Le Mémorial semble un monument comme un autre et les touristes rejouent la même partition que quelques minutes plus tôt à la Porte de Brandenbourg. Un selfie touristique est surtout un «J’y étais». Et la convention photographique de la photo souvenir, c’est le sourire. Cela n’empêche d’ailleurs pas d’accompagner sa photo d’une citation de Primo Levi.


Beau, esthétique, ludique même

Plus que par l’immaturité ou l’inculture des touristes, les sourires sur les selfies peuvent s’expliquer par l’architecture des lieux. Peter Eisenmann l’a reconnu lui-même:

«C’est un petit peu trop esthétique. C’est un petit peu trop beau. Ce n’est pas que je voulais quelque chose de moche, mais je ne voulais pas que ça paraisse trop dessiné. Je voulais représenter l’ordinaire, le banal.»

Sur ce point, Eisenmann s’est raté. Le Mémorial de la Shoah est beau, esthétique, ludique même. Cela saute aux yeux la première fois qu’on s’y rend: les stèles se prêtent aux jeux d’ombre et dessinent de magnifiques perspectives. Le réflexe pavlovien moderne est d’en profiter pour faire une photo de profil.

C’est ce qui explique sa présence si fréquente sur Tinder, application sur laquelle les photos sont issues des profils Facebook. Un blog à succès, Tindercaust, en recense ironiquement de nombreux exemples.

Le Centre d'information

Le Centre d'information du Mémorial aux Juifs assassinés d'Europe (Ort der Information), abrite une exposition permanente située sous le Mémorial pour les Juifs assassinés d'Europe.

 

Elle a été agencée par Dagmar von Wilcken et traite de la persécution et de l'extermination des Juifs d'Europe, ainsi que des sites historiques des crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis la modification de la loi intervenue le 3 juillet 2009, l'exposition consacre également une partie dédiée aux homosexuels persécutés sous le national-socialisme ainsi qu'aux Sinti et aux Roms assassinés.

 

La visite de l’exposition est gratuite mais n’est pas recommandée aux enfants de moins de 14 ans. Il existe un important dispositif de sécurité. Des « audioguides » payants sont disponibles en français.

 

Le couloir d'accès à la première salle (Auftakt)

L’exposition commence par un aperçu de la politique de terreur menée par Adolf Hitler et le régime national-socialiste de 1933 à 1945. Une suite de textes et de photos présente les persécutions et le meurtre des six millions de juifs européens.

 

Première salle (Raum der Dimensionen)

Cette première salle thématique appelée « salle des dimensions » présente des citations de journaux intimes, de lettres et d’ultimes notes écrites pendant la Shoah. Une frise bordant les murs de la salle, indique le nombre de victimes dans chaque pays européen (selon les frontières de 1937).

 

Salle des familles (Raum der Familien)

Cette salle retrace, grâce à des photos et des documents personnels, le destin de 15 familles juives d’origines diverses. Elle essaye de refléter la diversité du judaïsme européen avant l’holocauste, avant la dispersion, la déportation et l’assassinat.

 

Salle des noms (Raum der Namen)

Dans cette salle sont lus les noms ainsi que de courtes biographies de Juifs, originaires de toute l’Europe, assassinés et disparus pendant la guerre. La lecture, sous cette forme, des récits de la vie de toutes les victimes durerait près de six ans, sept mois et 27 jours. La documentation de cette salle peut constamment être enrichie grâce au soutien financier de l’Unterstützung des Förderkreises Denkmal für die ermordeten Juden Europas (l'association du Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe).

 

Salles des lieux (Raum der Orte)

Cette salle montre l’extension géographique de l’holocauste dans toute l’Europe. Elle met en lumière les scènes de crimes commis en Europe centrale et orientale. Deux cent vingt lieux de persécution et d'extermination des Juifs européens et d’autres victimes sont présentés au travers de films et de photos historiques.

 

Portail commémoratif (Gedenkstätenportal)

Ce « portail » propose des informations sur les sites consacrés à l'holocauste (musées et mémoriaux) en Europe.

 

Base de données (Weitere Datenbanken)

La base de données, constituée par l’institut commémoratif israélien de Yad Vashem contient les noms de plus de trois millions de victimes de l’holocauste. Cette base peut être utilisée pour effectuer une recherche individuelle. Il est possible de consulter également le Gedenkbuch des Bundesarchivs für die Opfer der nationalsozialistischen Judenverfolgung in Deutschland, 1933–1945 (Livre du souvenir des archives fédérales pour les victimes des persécutions des juifs par le régime national-socialiste en Allemagne, 1933-1945).

 

Archives vidéo

Les archives vidéo Sprechen trotz allem (Parler malgré tout) proposent, sur dix terminaux, des interviews de survivants de l’holocauste (plusieurs langues sont disponibles). Les archives vidéo sont ouvertes tous les dimanches. Les recherches effectuées à partir des vidéos peuvent, porter soit sur des lieux, soit sur des personnes ou des événements.

 

Le mémorial aux victimes Sinti et Roms

Le Mémorial aux Roms européens assassinés pendant le nazisme (allemand : Denkmal für die im Nationalsozialismus ermordeten Sinti und Roma Europas) est un mémorial sur le Simsonweg au sud du Reichstag à Berlin-Tiergarten.

Il rend hommage aux Porajmos, les Roms et les Sintis exécutés sous le règne du National-socialisme en Allemagne et en Europe.

Conçu par l'architecte Dani Karavan, le mémorial a été inauguré le 24 octobre 2012 en présence de la chancelière Angela Merkel et du président Joachim Gauck. Il a été financé par des fonds fédéraux et a coûté 2,8 millions d'euros.

 

Il prend la forme d'une mare avec un triangle en son centre. Sur les bords sont inscrits des messages.

Le mémorial aux homosexuels persécutés pendant la période nazie

Le mémorial aux homosexuels persécutés pendant la période nazie (en allemand : « Denkmal für die im Nationalsozialismus verfolgten Homosexuellen ») est un monument de Berlin inauguré le 27 mai 2008 en hommage aux personnes LGBT persécutées ou tuées par les nazis.


Le mémorial a été conçu par les artistes danois Michael Elmgreen et norvégienne Ingar Dragset.

  

Le cube est fabriqué en béton. Sur la face avant se trouve une fenêtre, à travers laquelle le public peut voir un court métrage où deux hommes puis deux femmes s'embrassent. Ce mémorial est le troisième du genre en Allemagne après le Frankfurter Engel  (1994) à Francfort et le Kölner Rosa Winkel (1995) à Cologne.

 

 

Contact

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Tél : (33) 06.71.71.53.45