Nous avons passé cinq jours à Bucarest. A mon désir de chercher les traces de la famille de mon grand-père s'est ajouté l'envie de commencer à découvrir cette ville.
Mon grand-père, Moïse Flacsu, est né à Bucarest en 1878. Il a émigré en France à l'âge de 17 ans, en 1895, puis il a été naturalisé français en 1907, et il a épousé Georgette Heimendinger. Ils ont donné naissance à Roland Flacsu, mon père, en 1911. En 1914 Moïse est parti faire la guerre et il a été tué au combat. Mort pour la France le 25 septembre 1915.
Mon père a du voir son propre père la dernière fois alors qu'il n'avait que 4 ans. C'était lors d'une permission. Il n'en avait pas de souvenir et il n'y avait eu entre eux aucune transmission d'information sur l'histoire familiale.
Je me souviens d'avoir entendu mon père raconter qu'il était passé à Bucarest en 1945 après avoir été libéré d'Auschwitz par l'Armée soviétique. Il avait demandé - je ne sais à qui - si des membres de la famille vivaient toujours ici. Personne, parmi les gens qu'il avait alors rencontré, ne connaissait de Flacsu.
Depuis un certain temps déjà, je souhaitais aller voir si je pouvais trouver des traces et qui sait, peut-être des cousins vivants...
Annie m'a accompagné et nous avons organisé ce séjour en complétant les recherches généalogiques par du tourisme.
Le dossier de naturalisation consulté aux Archives nationales à Paris, l'Acte de mariage de mes grands-parents, me fournissaient le plus gros des informations dont je disposais. Je savais que Moïse était né le 24 décembre 1878 à Bucarest, rue Mosilor n° 210, ses parents étaient Bercu Flacsu, âgé de 25 ans, tailleur et Fany Volf, sa femme, âgée de 16 ans. En 1907, lors de sa naturalisation, Moïse déclare que ses parents sont toujours vivants à Bucarest et qu'il n'a ni frère ni sœur.
J'avais sollicité l'aide d'un généalogiste roumain qui m'avait fourni quelques documents, mais notre collaboration s'est interrompue du fait d'un désaccord sur le montant de la rémunération qu'il me demandait. J'avais appris par ce biais l’existence de quatre frères et sœurs de Bercu et de descendants, donc de cousins germains de mon grand père.
En Roumanie, les registres d'Etat civil sont conservés par les Archives nationales du Judet (un peu l'équivalent de nos départements). Après m'être trompé et m'être rendu aux Archives nationales d'Etat, je suis allé au siège des Archives nationales pour la municipalité de Bucarest.
Heureusement j'avais pris soin de rechercher l'aide d'un étudiant roumain francophone. Un lecteur de français de l'Université de Bucarest m'a mis en contact avec Cristina, une jeune étudiante charmante, intelligente et débrouillarde qui m'a permis de franchir bien des obstacles.
Ainsi, une fois obtenue le permis d'accéder en salle de lecture, les informations sur les procédures de recherches à travers des registres un peu différents de ce que j'avais déjà rencontré, nous avons pu commencer à chercher.
J'espérais beaucoup trouver l'Acte de mariage des parents de Moïse, qui étaient déclarés mariés lors de la naissance de mon grand-père (en 1878) et qui ne pouvaient pas s'être mariés très longtemps avant puisque à la naissance de son fils, Fany n'a que 16 ans. Je ne l'ai pas trouvé. Peut-être se sont-ils mariés ailleurs qu'à Bucarest, peut-être n'ont-ils pas contracté de mariage civil, je l'ignore encore.
Cherchant dans les Actes de mariages, nous avons trouvé celui de Tili Flaks avec Moritz Brener. Tili est une sœur de Bercu (le père de Moïse). Elle est donc une tante de mon grand-père. Avec cet acte nous avons une troisième manière d'écrire notre patronyme que nous avions déjà sous les formes FLACSU, FLACS. S'y ajoute donc FLAKS.
Pour obtenir le droit de prendre une photo des actes, Cristina a du aller au bureau de poste voisin pour acquitter un droit. La poste roumaine a en outre la même capacité que la poste française à organiser les queues qui n'avancent pas.
Pour la suite de mes recherches il fallait prendre en compte les données suivantes :
- les Archives roumaines ne conservent que les Actes établis entre 1866 (création du Royaume de Roumanie) et 1913,
- au XIXe siècle les juifs ne sont pas considérés comme roumains (la Constitution définit les roumains comme des chrétiens) et les archives tenues par les institutions juives auraient, pour la plupart d'entre elles, disparues au fil des pogroms et des actes anti-sémites.
Nous avons été reçu au siège de la Fédération des Communautés Juives de Roumanie (Federatia Comunitatilor Evreiesti din Romania), à côté du Temple Choral.
L'un de ceux qui nous ont accueillis a regardé dans l'index des personnes enterrées dans les cimetières juifs de Bucarest et a trouvé plusieurs noms correspondants à ceux que je cherchais. Ils ont annoncé notre visite au "Cimitir Filantropia".
Le registre des sépultures (conservé depuis 1902, si j'ai bien compris), fait paraître des Flacs, Flachs, Flax... avec des dates et des prénoms qui pourraient correspondre à ceux que je cherche.
Et nous sommes partis dans le cimetière, accompagnés par deux ouvriers qui travaillent à l'entretien.
Il faut identifier la sépulture, la stèle...
Ils ont trouvé la stèle, mais elle est tombée, les noms gravés sont dessous et c'est très lourd, impossible à relever à la main...
C'est bien la stèle de Leib et Perla Flax, l'oncle de mon grand père et, je pense, sa femme Pessi devenue Perla
Un peu plus loin, une autre stèle qui pourrait m'intéresser. Elle est debout, mais la partie portant les inscriptions a disparue....
j'ai rapporté des informations, des indices, des pistes.
Les recherches continuent...
En allant voir le marché de Piata Obor, nous sommes passés par la rue Mosilor, celle où est né mon grand père et où habitaient la plupart des membres de la famille sur lesquels j'ai des renseignements.
J'avais lu que l'on parlait de ce quartier en l'appelant Hiroshima. Tout a du effectivement être détruit et de longs alignements d'immeubles tristes à l'esthétique terriblement "démocratie populaire" bordent la rue. Je n'ai même pas eu l'idée de les photographier.
La synagogue chorale a été construite en 1864-66 sur le modèle de la synagogue de Tempelgasse à Vienne.
Avant son inauguration, elle a été incendiée par des nationalistes roumains qui protestaient contre l'octroi de la nationalité roumaine aux Juifs dans la Constitution de 1866. Après diverses tergiversations le gouvernement a décidé de retirer de la Constitution le projet d'article sur l'intégration des Juifs. Les réparations de la synagogue seront effectuées grâce à des dons et à l'argent versé par le Prince souverain Carol 1er.
Ébranlée par un tremblement de terre en 1940, la synagogue est dévastée par les légionnaires de la Garde de fer en janvier 1941. Elle a été restaurée après 1945.
Non loin de là, nous voulions visiter le Musée de l'Histoire des Juifs de Roumanie installé dans l'ancienne synagogue de la Sainte Union (construite par l'union locale des tailleurs en 1850). Malheureusement le Musée est actuellement fermé pour des réparations.
A côté du temple Coral, le Teatrul de comedie, Sala Noua, a érigé cet étonnant pied à doigts de main
Recouvert de verre jaune, ce passage en "Y" abrite des restaurants et des cafés qui installent des terrasses tout au long et dont beaucoup proposent de fumer le narguilé...
L'église du monastère Stavropoleos, est une église orthodoxe, construite selon le style Brâncovenesc. Le nom Stavropoleos est la forme roumaine d'une expression grecque Stauropolis, qui peut se traduire par "ville de la croix".
C’est un exemple du style brâncovan : décor en médaillons représentant des saints, arabesques florales peintes sur les murs et dentelle de pierre autour des Verrières.
À l’intérieur, l’église abrite des icônes et les murs sont entièrement peints et revêtus de dorures.
L’église a miraculeusement échappé à la destruction de l’époque de Ceaușescu et la vie monastique y a maintenant repris ses droits : les moines vivent juste à côté de l’église de l’autre côté du cloître accolé à la façade sud.
L'église fut achevée en 1724. L'église a subi au cours du temps les effets des tremblements de terre, qui ont notamment causé la chute du dôme. Les peintures du dôme ont été restaurées au début du XXe siècle.
Tout ce qui reste du monastère original est l'église, à côté d'un bâtiment moderne qui accueille une bibliothèque, une salle de conférence et une collection d’icônes datant du début du XVIIIe siècle, d'objets ecclésiastiques, et des éléments de peintures murales préservées des églises démolies pendant le régime communiste.
La bibliothèque du monastère comporte plus de 8 000 livres de théologie, de musique byzantine, d'arts et d'histoire. Il y existe un nombre non négligeable de livres anciens : plus de 80 manuscrits et 400 livres imprimés. Ils sont en langue roumaine, grecque et en "slave d'église".
La collection de livres de musique byzantine est la plus importante de Roumanie.
Le monastère a commencé un projet de bibliothèque virtuelle en numérisant ses livres anciens. (extraits de Wikipédia)
Un peu plus loin nous nous trouvons devant l'église Zlatari dont nous voyons l'image kaléidoscopique dans la façade vitrée d'une banque. Nous voyons une queue impressionnante, une foule qui multiplie les signes de croix...
Il s'agissait de commémorer le martyre de St Ciprian. Je n'ai pas bien compris l'histoire de ce Saint homme.
Près de l'Université de multiples librairies sont installées dans des boutiques classiques et sur des tréteaux le long des trottoirs. Mais le roumain est une langue plus éloignée que nous l'avions cru des langues romanes occidentales, et donc il était difficile de voir ce qui était proposé.
Nous avons fait un tour dans la librairie Humanitas de Cismigiu. Cela paraît être une librairie achalandée avec un personnel attentif et compétent. Il s'agit d'une librairie appartenant à un groupe éditorial qui possède quatorze librairies à travers la Roumanie.
http://www.humanitas.ro/grupul-humanitas/libr%C4%83rii-humanitas
J'y ai trouvé un album existant en roumain et en anglais sur l'histoire de la Bucarest séfarade par deux universitaires roumaines spécialisées en histoire juive.
Nous sommes allés à Carturesti Carusel dans la vieille ville. C'est un lieu qui figure sur tous les guides touristiques. Mais dans cet espace impressionnant, il semble qu'il n'y ait pas énormément de livres sur les cinq niveaux. Beaucoup d'objets, de jeux, de vaisselle, même du vin, et un salon de thé tout en haut qui est un endroit sympathique pour donner rendez-vous à des amis...
Et nous sommes passés à la librairie française Kyralina. Ils proposent les nouveautés de la production éditorial française et un petit fond principalement en format de poche. C'est un endroit accueillant où les lecteurs francophones de Bucarest doivent trouver leur bonheur.
L'Athénée (Ateneul Român) a été inauguré en 1889. construit sur les fondations d'un ancien manège équestre par un architecte français, Albert Galleron, grâce à une souscription publique qui dura une trentaine d'années, il est en style néoclassique.
L'orchestre philharmonique George Enescu y présente des concerts.
Le grand hall d'entrée (patio) dessert la salle par des escaliers monumentaux.
La salle de concert offre un peu plus de 600 places. Tout autour une fresque représente l'histoire de la Roumanie depuis la conquête romaine par Trajan, jusqu'à l'unification du pays au milieu du XIXe siècle.
Pendant la période communiste, la grande fresque "empreinte de nationalisme bourgeois", montrant des paysans s'agenouillant devant le roi, fut recouverte de blanc et des portraits de Marx, Engels, Lénine, Staline et plus tard Khrouchtchev, Gheorghiu-Dej puis Ceausescu furent accrochés à la place.
Pendant notre séjour, était donné le concert inaugural de la saison.
Daniel Goiti, soliste pour le concerto de Franz Liszt...
L'orchestre était dirigé par Kah Chun Wong, jeune chef singapourien, lauréat du concours de direction Mahler de Bamberg, qui est un chef d'orchestre très spectaculaire.
Nous sommes allés voir ce grand marché, l'un des plus vastes de Bucarest, où les marchandises sont proposées dans des espaces par catégories de produits, fruits et légumes, viandes, poissons, épices,...etc. Il y a une grande abondance de marchandise, beaucoup de monde pour acheter aussi. Les prix nous ont semblés très bas, mais nous ne connaissons pas vraiment le pouvoir d'achat des différentes parties de la population.
Il y a beaucoup de poissons, notamment des carpes, mais les poissonniers refusent que l'on fasse des photos, je ne sais pas pourquoi....
dans la vieille ville, un restaurant de cuisine roumaine traditionnelle ou modernisée, très fréquenté par les touristes
Le restaurant Joseph de Joseph Hadad est l'un des lieux chics de Bucarest. Les plats sont extrêmement beaux, le montage, comme disent les italiens, est conçu avec des formes et des couleurs harmonieuses et chaleureuses. Peut-être est-ce, à mon goût un peu trop évanescent au plan des saveurs. Nous avons malgré tout aimé ce repas.
C'est une brasserie, ancienne et de très grande taille. Le décor, partiellement restauré, est superbe, quand nous y sommes allés, quatre jeunes femmes jouaient du violon et du violoncelle, et la ronde incessante des serveurs et des serveuses chargés de victuailles et de boissons donnaient un peu le tournis.
Zexe Sofia est un restaurant gastronomique dont la spécialité est faite de recettes à base d'abats, ce que l'on appelle parfois les recettes canailles. J'aime beaucoup. Si j'ai l'occasion d'y retourner, ce que j'espère, je leur demanderai des cuissons plus courtes.
C'est un endroit étonnant. Sans doute le plus vaste restaurant où il me soit arrivé de manger.
L'auberge de Manuc (en roumain : Hanul lui Manuc) était, le plus ancien bâtiment hôtelier en activité à Bucarest ; il y avait aussi un restaurant populaire, plusieurs bars, un café et (en face de la rue) plusieurs magasins et un grand bar. Sa cour massive, à plusieurs balcons, accueillait de nombreuses représentations et foires et était un lieu populaire pour les tournages folkloriques des équipes de télévision roumaines.
L'auberge a été construite en 1808 en tant que khan , et appartenait à l'origine à un entrepreneur arménien riche et flamboyant , Emanuel Mârzaian , mieux connu sous son nom turc Manuc-bei . Au milieu du XIXe siècle, c'était le complexe commercial le plus important de Bucarest, avec 15 grossistes, 23 magasins de détail, 107 salles pour des bureaux ou vivre, deux salles de réception et un pub.
Bien que l'auberge de Manuc ait fait l'objet de restaurations répétées- en 1848, 1863, 1966-1970 et 1991-1992, sa structure essentielle demeure intacte.
L'auberge a été le site des négociations préliminaires pour le traité de Bucarest , qui a mis fin à la guerre russo-turque 1806-1812 . En 1842 il a abrité brièvement la mairie de Bucarest. Autour de 1880 une salle à l'auberge a été utilisée comme théâtre, et était le site de la première représentation d'opérette roumaine.
Avant l'entrée en guerre de la Roumanie , en 1914-1916, la salle «Sala Dacia» accueillait les réunions du parti pro-guerre valaque , cherchant à établir une Grande Roumanie en s'unissant à la Transylvanie et à la Bucovine.
Le bâtiment a été nationalisé le 19 février 1949. La propriété a été restaurée au prince Şerban-Constantin Cantacuzino en février 2007.
Nous avons goûté quelques vins roumains, profitant pour cela de chacun de nos repas. Nous avions lu que Davino était un des bons producteur du pays. Effectivement ses vins ont été ceux que nous avons préféré, mais notre enquête a porté sur un nombre réduit de producteurs. Pour cela aussi il faudra revenir, ces vins en valent la peine.