Le Musée juif de Berlin et l'histoire des Juifs d'Allemagne


Le Musée Juif de Berlin (en allemand : Jüdisches Museum Berlin) est situé dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, il est constitué par deux bâtiments abritant une exposition permanente et de nombreuses expositions temporaires retraçant deux millénaires d’histoire des Juifs en Allemagne

Depuis 1997, le musée est dirigé par Werner Michael Blumenthal, qui fut secrétaire au trésor des États-Unis. Il accueille environ 700 000 visiteurs par an.

Sur un espace de plus de 3 000 m², l’exposition permanente présente deux mille ans d’histoire des Juifs en Allemagne. Quatorze tableaux historiographiques présentent une image de la culture judéo-allemande, du Moyen Âge jusqu’à nos jours : objets d’art ou objets de la vie quotidienne, photos, lettres, éléments interactifs et espaces multimédia. L’exposition permanente est complétée par des expositions temporaires.


L'ancien édifice : le Kollegienhaus

La construction d'origine date de 1735, fut commandé à l'architecte Philipp Gerlach par Frédéric-Guillaume Ier afin d'y abriter les services de l'administration royale. Puis il devînt l'ancien siège de la bambou suprême de Prusse, la Kammergericht, qui y siégea jusqu'en 1913, date à laquelle la cour déménagea à Schöneberg dans le bâtiment de la Neues Kammergericht.

Durant la Seconde Guerre mondiale, l'édifice fut sérieusement endommagé par les bombardements si bien que seuls les murs extérieurs résistèrent. Reconstruit en 1963, le Berlin Museum, le musée de la ville de Berlin prend possession des locaux en 1969. Il sert aujourd'hui d'entrée au musée juif. Les deux bâtiments sont reliés par un souterrain situé à plusieurs mètres de profondeur.



Le Glashof

Le Glashof est une extension du musée (2007) où l'on accède par le Kollegienhaus. Il s'agit d'une cour surmontée d'un toit en verre qui débouche sur des jardins extérieurs. Le Glashof représente une soukka, cabane construite durant la fête juive de Souccot. Il sert de lieu d'accueil pour des expositions, des concerts et des réceptions. C'est également ici qu'est remis le Prix de la compréhension et de la tolérance décerné annuellement par le musée. Le Glashof est un mot d'origine allemande. Ce musée retranscrit les émotions, les peurs, les espoirs des juifs pendant leur longue histoire.


Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015


Le nouvel édifice de Libeskind

La plus récente de ces deux constructions formant le musée fut édifiée spécialement pour celui-ci entre 1993 et 1998 par l’architecte américain d'origine polonaise Daniel Libeskind, dont ce fut la première œuvre. Il est surnommé le Blitz (« éclair ») par les Berlinois à cause de son plan morcelé.

Il est constitué essentiellement de béton brut (structure) et de métal (enveloppe en zinc) qui va changer de couleur après plusieurs années et va marquer encore plus les entailles des fenêtres. Le bâtiment va tendre vers le bleu ou le vert. Daniel Libeskind a décidé de construire son musée dans le prolongement de l'opéra d'Arnold Schönberg Moise et Aaron en trois actes dont la musique s'arrête au second. Il a appelé son projet Between the lines - entre les lignes -, qui décrit la tension inhérente à l’histoire germano-juive selon deux lignes : une ligne droite et morcelée par des vides, une ligne tortueuse et ouverte à son extrémité. Un escalier en béton relie l'édifice baroque au bâtiment de Libeskind. Au dehors se trouvent deux édifices : la « Tour de l'Holocauste » et le « Jardin de l'Exil ».



Les axes

Le sous-sol du musée est composé de trois axes qui s'entrecroisent et symbolisent le destin des Juifs au XXe siècle.

L'axe de l'Exil représente l'émigration. Il mène au « Jardin de l'Exil », le seul espace extérieur du musée. Bien qu'à ciel ouvert, il n'en reste pas moins clôturé par des murs très hauts. Cette sortie à l’air libre n’étant en effet qu'un semblant de liberté, puisque l'exil n’est pas choisi mais forcé. Le sol du jardin est incliné de 10 degrés sur son angle nord, de manière à ce que le visiteur soit désorienté et déstabilisé à chaque pas, comme l’est toute personne exilée contrainte de vivre dans un nouvel univers. Le jardin est composé de 49 piliers au sommet desquels sont plantés des oliviers, symboles de déracinement et d'arrachement à la terre natale, mais aussi symboles de paix et d'espoir. Le nombre de piliers s'explique par l'année de création de l'État d'Israël (1948), le 49ème pilier au milieu du jardin représentant l'Allemagne et la ville de Berlin. De plus, le chiffre 7 (7x7 = 49) est un chiffre biblique sacré.


Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015
Photo Annie Bentolila-Flacsu, juillet 2015


L'axe de l'Holocauste représente la mort. Il mène à la « Tour de l'Holocauste », une tour de béton brut ouverte par une maigre entaille à son sommet d'où parvient la lumière extérieure. La tour communique avec le reste du bâtiment par les sous-sols. Daniel Libeskind n'a pas souhaité donner une interprétation particulière à cette tour, même si beaucoup de visiteurs la comparent à une chambre à gaz. La faible lumière parvenant du sommet est souvent comparée à l'espoir.



L'axe de la Continuité représente la vie. C'est l'axe le plus long du musée. Il représente la continuité de la présence juive en Allemagne et mène aux trois niveaux d'exposition du musée au travers d'un grand escalier rappelant l'échelle de Jacob.



Les « Voids »

Le musée comporte dans son architecture cinq espaces vides, nommés « Voids » (de l'anglais void : vide). Ils représentent des espaces à part, où il n'y a rien à exposer, suite à la destruction d'une partie de la culture juive au travers de la Shoah.

Deux sont accessibles au public : l'installation Shalechet et la tour de l'Holocauste. 



L'exposition permanente

L'exposition Deux millénaires d’histoire juive en Allemagne dresse un portrait de l’Allemagne à travers la perspective de la minorité juive. L’exposition s’ouvre sur les témoignages de colonies médiévales installées sur les bords du Rhin, notamment à Spire, Worms et Mayence. 


Les communautés juives le long du Rhin
Les communautés juives le long du Rhin
Pogrome de la peste vers 1350
Pogrome de la peste vers 1350


La période baroque est montrée à travers les yeux de Glickl bas Judah Leib (1646–1724), également connue sous le nom de Glückel von Hameln, qui a laissé un journal livrant une description détaillée de sa vie de femme d’affaires juive à Hambourg.


Mémoires de Glückel Hameln
Mémoires de Glückel Hameln


Vient ensuite l’héritage intellectuel et personnel du philosophe Moses Mendelssohn (1729–1786) ; ces deux figures sont encadrées de portraits de Juifs ayant vécu à la ville ou à la campagne. L’Émancipation, au XIXe siècle, est présentée comme une période d’optimisme, de progrès et de prospérité, même si, comme le montre également l’exposition, elle est émaillée de revers et de déceptions.


Moses Mendelssohn (1729-1786) par August Theodor Kaselowsky (1810-1890) d'après Anton Graff
Moses Mendelssohn (1729-1786) par August Theodor Kaselowsky (1810-1890) d'après Anton Graff

 

Le début du XXe siècle est marqué par l’engagement de soldats juifs allemands qui défendent leur patrie durant la Première Guerre mondiale. 

Hanoucca 1916 sur le front de l'est
Hanoucca 1916 sur le front de l'est


Dans la partie du musée consacrée au régime national-socialiste, l’accent est mis sur la façon dont les Juifs ont réagi aux discriminations grandissantes dont ils faisaient l’objet, notamment en créant des écoles juives ou des services sociaux.

Après la Shoah, 250 000 survivants attendent dans des camps de « personnes déplacées » de pouvoir émigrer. Au même moment, de petites communautés juives se constituent à l’Ouest comme à l’Est. L’exposition s’achève avec l’immigration en Allemagne de 200 000 Juifs d’ex-Union soviétique : un nouveau chapitre, encore à écrire, de l’histoire de la vie juive en Allemagne.



Les expositions temporaires

Les expositions temporaires touchent une grande variété de thèmes, périodes et genres. Parmi les plus importantes sont : Counterpoint : The Architecture of Daniel Libeskind (2003), 10+5=Gold (2004), Chrismukkah : Stories of Christmas and Hanukkah (2005–2006), Home and Exile (2006–2007), Typical : Clichés about Jews and Others (2008), Looting and Restitution : Jewish-Owned Cultural Artifacts from 1933 to the Present (2008–2009), Kosher & Co : On Food and Religion (2009–2010), et How German is it? 30 Artists' Notion of Home (2011–2012).


Historique

Un premier musée exposant la culture juive est fondé à Berlin en 1934 à Oranienburger Strasse, mais sera fermé en 1938 pendant le régime nazi. L'idée de la réouverture d'un tel musée en Allemagne apparaîtra en 1971, puis prendra forme en 1975 à travers la naissance d'une association qui promeut ce projet. En 1978, à la suite d'une exposition sur l'histoire juive, le musée de Berlin ouvre un département spécial. Un concours est lancé en 1988. Le bâtiment est livré en 1999, mais aucune collection n'y est présentée au début. En effet, le bâtiment est livré sans élément de scénographie. Il faudra attendre un deuxième concours pour que les collections puissent être transportées depuis le Martin-Gropius-Bau où elles étaient stockées de manière provisoire. Certains affirment qu'il est surchargé par une scénographie qui présente des milliers d'objets de natures diverses. D'autres sont fascinés par la grande richesse de ses collections exposant beaucoup d'éléments de la culture juive, depuis ceux de la vie courante jusqu'à certaines pièces uniques. Durant les premières années, le musée a été proposé vide au visiteur, sans aucune œuvre exposée. Cela n'a pas empêché la fréquentation des lieux par quelque 250 000 visiteurs en deux ans. Il sera finalement inauguré en 2001. Depuis septembre 2001 le musée offre 3017,42 m² d'espace d'exposition permanente pour retracer 2 000 ans de présence de la culture juive en Allemagne.


La collection

Des objets d'art, pour certains uniques tels un chandelier de Hanoucca réalisé en 1776 par le maître berlinois Georg Wilhelm Margraff, des lettres, des objets de la vie courante, des objets du culte en relation directe avec des éléments multimédia, des dessins d'enfants remplissent largement cet espace. Les scénographes veulent faire sentir la richesse de cette culture, sa diversité, mais aussi l'ampleur du choc qu'a représenté le nazisme allemand pour cette communauté.

 


L’installation Shalechet – Feuilles mortes

10 000 visages découpés dans des disques d’acier jonchent le sol du Memory Void, l'un des deux espaces vides de l’édifice de Libeskind accessibles au public. L’artiste israélien Menashe Kadishman a dédié son œuvre non seulement aux Juifs assassinés durant la Shoah, mais aussi à toutes les victimes de la violence et de la guerre. Les visiteurs sont invités à marcher sur ces visages et à écouter les sons produits par les disques de métal qui s’entrechoquent.

 

 

Contact

pgflacsu@gmail.com

Tél : (33) 06.71.71.53.45