Des églises et des cathédrales

 

Les visites guidées de Saint Pétersbourg mènent de Palais en Eglises et en Cathédrales. La polychromie des églises orthodoxes, l'or qui brille attirent les visiteurs qui en prennent plein les yeux. Dans les plus visitées par les touristes on rencontre parfois des fidèles,... mais ce n'est pas fréquent.

L'Eglise du Sauveur sur le Sang versé

Avec ses bulbes colorés, ses mosaïques, cette église surprend le visiteur. Son nom également. Elle a été construite sur le lieu où le tsar Alexandre II fut assassiné en 1881

L'intérieur est couvert de mosaïques 

"L'Iconostase" sépare le sanctuaire de la nef. Celui-ci a été fabriqué à Gênes, en Italie.

Les sols sont entièrement couverts de marbres polychromes que les visiteurs foulent sans doute la plupart de temps sans les voir.  

Basilique Saint Pierre et Saint Paul

Au cœur de la forteresse Pierre et Paul, la basilique conçue par un architecte italien, Trezzini, n'est pas conforme aux règles des églises orthodoxes.

Pour l'adapter au culte il a fallu construire l'iconostase sur toute la largeur de l'église

Cathédrale de Smolny

Extraits de Wikipédia

Le couvent Smolny (Voskresensky) (en russe : Воскресенский девичий Смольный монастырь) est un ancien édifice religieux orthodoxe de Saint-Pétersbourg, en Russie. Il est constitué de la cathédrale de la Résurrection et d'un ensemble de bâtiments qui devaient initialement abriter un couvent.

Le bâtiment était destiné à Élisabeth Petrovna, fille de l'empereur Pierre le Grand, après qu'elle eut été écartée en 1725 de la succession du trône. Mais après le coup d'État de 1741 destituant Ivan VI de Russie, Élisabeth monta sur le trône et renonça à entrer dans les ordres. Malgré cela, la construction du couvent continua.

La cathédrale, bâtiment principal du couvent, est considéré comme un des chefs d'œuvre de style baroque de l'architecte d'origine italienne Bartolomeo Rastrelli qui est également l'auteur du palais d'Hiver, du palais Catherine et du palais de Peterhof ainsi que d'autres monuments de Saint-Pétersbourg.

La construction s'est étalée de 1748 à 1764. Le monument initial devait comporter un clocher qui devait en faire le bâtiment le plus élevé de Saint-Pétersbourg. La mort d'Élisabeth en 1762 ne permit pas l'achèvement de la construction.

Avec l'arrivée au pouvoir de Catherine II de Russie, le style néoclassique supplanta le style baroque. L'absence de fonds ne permit pas à Rastrelli d'achever son ouvrage en particulier le clocher et la décoration intérieure. Ce n'est qu'en 1835 que l'architecte Vassili Stassov acheva le bâtiment avec un intérieur de style néoclassique.

 

De nos jours la cathédrale est utilisée principalement comme salle de concert et les bâtiments environnants sont occupés par des structures administratives et politiques locales. L'institut Smolny, voisin, tient son nom du couvent.

Photo Annie Bentolila
Photo Annie Bentolila

Catherine II a installé dans ces bâtiments du couvent une société vouée à l'éducation des jeunes filles de l'aristocratie.

 

Cette statue d'ange aurait été amenée ici récemment. Il semblerait qu'elle devrait être restaurée.

Ce n'est pas un samovar. Il s'agit d'un distributeur d'eau bénite...

Photo Annie Bentolila
Photo Annie Bentolila

Cathédrale Saint Isaac

Extraits de Wikipédia :

La cathédrale Saint-Isaac  est une cathédrale orthodoxe russe bâtie entre 1818 et 1858, sous les règnes des empereurs Alexandre Ier (1801-1825), Nicolas Ier (1825-1855) et Alexandre II (1855-1881). Elle a été inspirée par la cathédrale Saint-Paul de Londres et a été conçue pour accueillir 14 000 fidèles.

C'est une des plus vastes cathédrales à dôme du monde avec 111 m de long, 97 m de large et 101,5 m de haut, soit 10 767 m². C'est par ses dimensions, la troisième cathédrale d'Europe après la basilique Saint-Pierre et cathédrale Saint-Paul de Londres.

 

Chaque colonne positionnée à l'avant de la cathédrale pèse 114 tonnes ; chacune a été érigée en à peine 45 minutes à l'aide d'un système de palans.

L'empereur Alexandre Ier a lancé un concours pour la construction de la cathédrale, concours qui a été remporté par l'architecte français Auguste Ricard de Montferrand, un élève de Charles Percier. L’architecte y a dédié toute sa vie pendant les quarante années de la construction. Celle-ci a donné naissance à une véritable école d’architecture expérimentale où l’on a essayé des techniques nouvelles.

L'édifice a été construit entre 1818 et 1858, avec des techniques d’ingénierie innovantes puisque pour asseoir cet édifice de 300 000 tonnes, il a fallu placer des milliers de pilotis en bois dans le terrain marécageux du site, avant de mettre en place les 48 colonnes en granit.

Un autre exemple est la coupole entièrement métallique, de 28,5 mètres de diamètre, technique d’abord critiquée puis reprise dans les projets qui ont suivi (construction du premier pont métallique en 1842). Le mathématicien Gabriel Lamé et l’ingénieur Émile Clapeyron, ont calculé à l'été-automne 1821, la dimension exacte de la coupole et son agencement dans la construction.

Outre 400 kilos d'or, 1 tonne de bronze, plus de cent types de nuances de granit, de marbre, de malachite (16 tonnes, extraites de la mine de Nijni Taguil, non loin d'Ekatérinbourg), 500 kilos de lazulite et de lapis-lazuli(extraits de la mine de Sar-e-Sang, province de Badakhchan en Afghanistan) ont été utilisés pour sa décoration.

 

Le sculpteur Henri Lemaire, (auteur du « Jugement dernier » du fronton de l’église de la Madeleine à Paris), est aussi l’auteur en 1841 de deux bas-reliefs de la cathédrale : « la Résurrection du Christ » et « Isaac de Dalmatie demandant à l’empereur Valens de cesser la persécution des chrétiens ». La cathédrale comporte aussi près de 300 statues.

Les mosaïques couvrent une surface totale de 6 500 m².

Quarante ans après le début de sa construction, la cathédrale a été inaugurée et consacrée le 30 mai 1858, jour de la fête de saint Isaac de Dalmatie , qui était aussi le saint patron de Pierre le Grand, en présence de l'empereur Alexandre II.

Elle était le centre de la vie religieuse de Saint-Pétersbourg jusqu'au début des années 1920.

Après la révolution d'Octobre 1917, elle est pillée par les bolcheviks, les objets de culte sont confisqués et ses cloches fondues.

La cathédrale est fermée sur ordre des autorités communistes en juin 1928 et transformée en 1931 en musée de l'athéisme jusqu'en 1937, où elle devient un musée d'histoire et de l'art.

En juin 1990, peu avant la chute de l'URSS, les offices religieux ont repris dans la cathédrale, après une longue interruption forcée.

Le 20 décembre 2012, une nouvelle cloche de 10 tonnes a été montée à l'un des clochers de la cathédrale.

 

Le 10 janvier 2017 le gouverneur de Saint-Pétersbourg (Georgy Poltavchenko) a annoncé le transfert de la cathédrale à l'Eglise orthodoxe russe. Le bâtiment reste propriété de l'état russe, son entretien reste à la charge de la ville de Saint-Pétersbourg, l'Eglise orthodoxe russe recouvre l'entière jouissance de l'occupation du lieu, tout en conservant sa fonction de musée; cette décision s'est accompagnée d'une grande controverse citoyenne.

Cathédrale Notre Dame de Kazan

La Cathédrale vue depuis le café Singer

Extraits de Wikipédia :

La cathédrale Notre-Dame-de-Kazan (en russe : Каза́нский кафедра́льный собо́р) est une église orthodoxe vouée à l'icône de Notre-Dame de Kazan et située sur la perspective Nevski à Saint-Pétersbourg. Elle a été construite de 1801 à 1811 par l'architecte Andreï Voronikhine, sur l'ordre de l'empereur Paul Ier.

 

Cathédrale de style néo-classique, son dôme culmine à 76 mètres et ses 96 colonnes, en hémicycle, rappellent un peu la Basilique Saint-Pierre de Rome. L'idée d'un «Saint-Pierre russe» en était d'ailleurs venue à Paul Ier lors d'un voyage que fit celui-ci à Rome. Mais l'espace disponible obligea à tronquer la colonnade.

La porte du portail nord a été exécutée par Vassili Ekimov, en parfaite réplique de celle de Lorenzo Ghiberti, pour le baptistère de Florence.

 

L'intérieur est orné de cinquante-six colonnes de style corinthien, en granit rose et le sol est recouvert d'une mosaïque en marbre de Carélie.

 

La cathédrale a été construite à l'emplacement d'une église du XVIIIe siècle dédiée à la Nativité de la Vierge. La construction du prestigieux bâtiment et son icône miraculeuse ont conféré à la capitale également une primauté religieuse.

 

Après la victoire russe sur les armées napoléoniennes en 1812, la cathédrale devient un mémorial de la guerre contre les Français et un mémorial des généraux victorieux.

 

Le 6 décembre 1876, une manifestation étudiante a lieu devant la cathédrale et est durement réprimée. Depuis chaque année, une manifestation rituelle avait lieu sur la même place. La manifestation devient alors un spectacle auquel assistent - à bonne distance - les badauds, qui attendent les cosaques.

 

Les funérailles de Tchaïkovski y ont eu lieu le 28 octobre 1893 en présence de huit mille personnes.

 

 

En 1932 sous le régime communiste, elle devient un musée de l'athéisme, mais est partiellement rendue au culte en 1990. Le musée de l'athéisme déménage en 2000 et se nomme désormais le musée d'Histoire des Religions. L'église est rendue au culte en 2001.

Des croyants passent à tour de rôle auprès d'un prêtre et vont embrasser une icône dans l'iconostase.

Eglise de Tchesmé

Extraits de Wikipédia :

 

L'église de Tchesmé ou église de la Nativité de Saint-Jean-Baptiste du Palais de Tchesmé est une église orthodoxe, construite par Georg Friedrich Veldten en 1780 pour Catherine II de Russie. Elle se trouve près du palais de Tchesmé sur la route de Saint-Pétersbourg à Tsarskoïe Selo et est en style néogothique. Veldten s'est inspiré du château de Longford de John Thorpe reproduit dans le cinquième tome du Vitruvius Britannicus, publié en 1771.

 

L'église est construite à l'endroit où l'impératrice Catherine la Grande reçoit la nouvelle en 1770 de la victoire de la bataille de Tchesmé sur les Turcs. La première pierre est bénite solennellement en présence de l'impératrice, de toute la Cour et du roi Gustave III de Suède, le 6 (17) juin 1777 et consacrée le 24 juillet (5 août) 1780, en présence de Catherine et de l'empereur du Saint-Empire, Joseph II, en visite privée sous le nom de comte de Falckenstein.

 

L'église devient l'église capitulaire de l'Ordre de Saint-Georges et l'une des églises préférées de Catherine. Elle appartient aux biens de la couronne. Comme l'église n'était pas chauffée, on construit une église d'hiver au palais de Tchesmé, achevée le 11 (23) décembre 1811. Elle est dédiée à la Nativité du Christ et devient église militaire par la suite.

 

L'église est fermée en 1919 par les bolchéviques et les fidèles se réunissent jusqu'à l'interdiction en 1924 dans une maison privée des environs. L'église se trouve alors sur le territoire d'un camp de concentration de travail forcé. L'église est surmontée d'un marteau et d'une faucille. Lorsque le camp est fermé, l'église sert d'entrepôt aux archives scientifiques, jusqu'en 1930, puis d'atelier à l'institut de mécanique automobile. L'intérieur est anéanti par un incendie. Elle devient ensuite un entrepôt pour l'institut de construction aéronautique. L'on décide pourtant de ne pas la démolir en 1947 et de l'inscrire à l'inventaire du patrimoine architectural. Des restaurations importantes sont entreprises dans les années 1960 et finalement on ouvre un musée consacré à la victoire de Tchesmé en 1977, filiale du Musée central de la Flotte de Guerre qui se trouve dans l'ancienne Bourse, au bout de l'île Vassilievski.

 

L'église retourne au culte le 7 novembre 1991, après l'enregistrement de la paroisse quelques mois plus tôt. L'église est restaurée entre 1996 et 1998 et l'ancien iconostase, retrouvé démonté dans les archives de la Marine, retrouve sa place.

 

 

Il y a dans l'église quelques icônes anciennes intéressantes, œuvres d'un atelier italien mais nous ne les avons pas vues.

Document :

Introduction : l'orthodoxie russe aujourd'hui

Kathy Rousselet (Archives de sciences sociales des religions, 162 | 2013, p. 9-14)

 

 

1.Tous les observateurs le constatent : l'Église orthodoxe russe est devenue de plus en plus visible dans la sphère publique et certains analystes parlent d'une « désécularisation » à l'œuvre dans le pays (V. Karpov, 2010). Pourtant, les derniers sondages attestent d'une baisse d'intérêt pour le religieux. Selon le centre Levada, si en 2009 80 % des personnes interrogées se disaient appartenir à l'Église orthodoxe russe, en novembre 2012, ils ne sont plus que 74 %. Un sondage effectué en 2012 par l'institut Sreda sur un échantillon de 56 900 personnes dans l'ensemble des régions de Russie conclut que seulement 41 % des personnes interrogées se déclarent orthodoxes dans l'Église. Selon cette même étude, 16 % de l'ensemble des personnes interrogées et 29 % des personnes se disant orthodoxes font confiance au patriarche. Ces résultats sont certes en partie la conséquence immédiate de la vague de protestations sociopolitiques qu'a connue le pays en 2011-2012. Cette vague a touché la hiérarchie de l'Église, tant celle-ci est liée au pouvoir politique ; plusieurs scandales l'ont éclaboussée et l'affaire du groupe Pussy Riot a provoqué un divorce entre l'Église et une partie de l'intelligentsia. Mais la désaffection pour l'Église n'est pas que conjoncturelle. Des observateurs au sein de l'Église affirment aujourd'hui que la période qui a reçu le nom de renaissance religieuse est terminée (S. Čapnin, 2013). Début 2011, constatant que les deux-tiers des enfants de personnes engagées dans l'Église l'ont quittée, un membre de l'Église, l'higoumène Piotr Méchtchérinov expliquait cette évolution entre autres par le fait que la religiosité des familles post-soviétiques ne correspondrait souvent en rien à la tradition même de l'orthodoxie ; loin d'avoir un contenu chrétien, elle serait un « mélange sui generis d'idéologie, de magie et de complexes “soviétiques”, mimant les mœurs orthodoxes (l'absence de sens des responsabilités sous couvert d'“obéissance religieuse”, l'absence de respect à l'égard de soi et d'autrui sous couvert d'“humilité religieuse”, le conflit et la méchanceté sous couvert de “lutte pour la pureté de l'orthodoxie”, etc.) ». L'absence d'attrait de l'Église auprès des jeunes serait largement due aux faiblesses de son message actuel (P. Mešerinov, 2011).

2.De fait, le contexte post-soviétique a joué une influence complexe sur le développement du religieux. Si, à la fin des années 1980, la religion était avant tout synonyme de libération politique et d'éthique, peu à peu sa forme institutionnalisée a avant tout contribué à alimenter un système politique unanimiste (K. Rousselet, 2013). Les élites religieuses sont dominées par des intérêts politiques et économiques. Quant au sentiment religieux, il s'est développé de façon très contrastée. Le sentiment d'incertitude lié aux rapides changements socio-économiques, la démoralisation et la quête de repères existentiels sont sans nul doute à l'origine des nombreuses conversions à l'âge adulte ; elles ont aussi provoqué l'apparition de guides spirituels de toutes sortes. En l'absence d'une transmission contrôlée de la foi, des messages catastrophistes se sont propagés. L'orthodoxie prend les formes les plus diverses. La religion orthodoxe dans sa tendance la plus conservatrice est portée par les monastères, mais aussi les laissés-pour-compte de la société russe, nostalgiques d'un ordre moral soviétique et hostiles aux valeurs dites occidentales. Des courants, minoritaires, appréciés par une partie de l'intelligentsia, dialoguent avec la modernité.

3.Tout comme la société russe de façon générale, le paysage religieux est particulièrement divers. La différenciation entre villes et campagnes se combine à de grandes variations régionales. Les zones rurales sont à la fois dépeuplées et plus déchristianisées que les zones urbaines. D'après le sondage de l'institut Sreda, les régions de Sibérie sont plus fortement marquées par l'athéisme que le reste de la Russie : dans le Primorié, le pourcentage de personnes qui se disent athées atteint les 35 % (contre 13 % en moyenne nationale). L'orthodoxie se développe dans un climat individualiste dans les grandes villes qui connaissent un développement proche de celui observé en Europe occidentale, tandis qu'elle nourrit des tendances identitaires, par exemple, dans les milieux cosaques, dans le sud de la Russie. C'est dans cette région très conservatrice et que l'on a appelée la ceinture rouge, car le communisme y fut le plus tenace dans les années 1990, que le pourcentage de ceux qui se disent appartenir à l'Église orthodoxe est un des plus forts. De façon générale, la pratique religieuse est très faible. D'après le même sondage effectué en 2012 par l'institut Sreda, en moyenne, 2 % des personnes interrogées disent se confesser au moins une fois par mois, 3 % disent participer à la vie de la communauté paroissiale.

4.On conclurait volontiers, au vu des tendances observées, que la situation religieuse russe converge, au moins en partie, avec celle qui prévaut dans les sociétés occidentales. On y observe la même dérégulation institutionnelle, le même essor d'une religion hors des murs de l'Église. De nombreux néophytes préfèrent à la fréquentation des paroisses les pèlerinages sur les lieux saints (entre autres, J. Kormina, 2010, 2013) ou la visite des foires orthodoxes (I. Naletova, 2005) ; les forums Internet en attirent d'autres. Pourtant, cette faiblesse institutionnelle semble aussi propre au fonctionnement de la religion orthodoxe, tel qu'on l'observe déjà à la période tsariste (V. Shevzov, 2004). Elle s'inscrit aussi dans le prolongement des conditions imposées par le système soviétique, dans le sens précisément d'une non-institutionnalisation ; la religion est alors aussi transmise par des prêtres et des membres de l'Église des catacombes, par des intellectuels, mais également et surtout par des femmes âgées présentes dans les quelques églises en activité ou en dehors d'elles (A. Agadjanian, K. Rousselet, 2010). La religion se conserve alors largement par la mémoire des gestes et l'adhésion religieuse se définit par la capacité de les reproduire le plus fidèlement possible. Les tendances actuelles, et en particulier la privatisation du religieux ne sont pas que le fruit de la sécularisation ; elles sont aussi le produit d'une histoire longue, bien particulière.

5.Dans le prolongement d'études antérieures (A. Agadjanian et K. Rousselet 2005, 2006, 2011 ; Ž. Kormina, A. Pančenko, S. Štyrkov, 2006 ; C. Hann and H. Goltz, 2010), c'est à une analyse des pratiques religieuses, aussi bien au sein des structures ecclésiales qu'en dehors d'elles, qu'est consacré ce dossier des Archives de sciences sociales des religions. Il part de la conviction que ce n'est qu'à travers une observation et une description précise de ce qui se fait, de la religion vécue, que l'on peut comprendre les évolutions de la vie orthodoxe aujourd'hui. C'est au niveau le plus micro-sociologique que se saisissent les fils de continuité d'une histoire marquée pourtant par de forts bouleversements institutionnels. Plusieurs questions s'y entrecroisent.

6.La première porte sur l'autorité et la concurrence religieuses, ce à différents niveaux. Les détenteurs non institutionnels de l'époque soviétique entrent en conflit avec le personnel clérical recruté en nombre après 1988 pour fixer les critères d'authenticité des dogmes et des pratiques. Dans un souci de contrôle des ressources économiques et de régulation du croire, la hiérarchie ecclésiastique œuvre à la centralisation du pouvoir religieux, la réforme des statuts paroissiaux en étant une des dernières étapes. L'éducation religieuse et la conception de manuels catéchétiques deviennent un enjeu majeur. Mais la discipline bureaucratique n'empêche pas un fort localisme et la concentration religieuse autour de personnes charismatiques qui échappent largement à l'institution. S'agissant des startsy, virtuoses religieux et directeurs spirituels, Jeanne Kormina rappelle qu'il est souvent difficile de distinguer les vrais des faux. Les pratiques et les discours les plus divers entourent leur définition. L'anthropologue analyse, dans ce dossier, la fabrication du charisme, sur l'île Zalita, près de la frontière avec la Lettonie, de Nikolaï Gourianov (1909-2002), respecté comme symbole de l'authenticité de la Russie et porteur de l'identité nationale. Elle distingue plusieurs catégories d'entrepreneurs religieux, dont des orthodoxes fondamentalistes, luttant pour sa canonisation comme pour celle de Grigori Raspoutine, mystique et guérisseur devenu proche conseiller de la famille impériale.

7.Les prêtres exercent une autorité personnalisée sur les laïcs. Celle-ci, loin d'alimenter une régulation du croire en termes d'homogénéisation, contribue à sa diversité. Elle peut se manifester en dehors de la vie paroissiale stricto sensu. Pourtant, paradoxalement, cette diversité n'est pas considérée comme une faiblesse interne de l'Église, bien au contraire. Dans son étude anthropologique sur les hommes d'affaires dans la région de Vladimir, Tobias Köllner souligne en particulier que les prêtres privilégient la rectitude non des croyances, mais des actions rituelles, ceci assurant de la « flexibilité » à l'orthodoxie russe et une adaptation de celle-ci aux besoins de chacun. Il ajoute qu'« ainsi, la religion pratiquée par les hommes d'affaires n'entre pas en contradiction avec les doctrines orthodoxes et permet d'intégrer ces entrepreneurs dans la communauté orthodoxe. » La relation au prêtre permet de surmonter la disjonction entre sentiment d'appartenance et liberté de croyance.

8.Face à une logique, très marquée, de privatisation et d'individualisation du religieux, en affinité avec des paroisses d'usagers, ou plus exactement de croyants de passage (zahožane), se constituent, ici ou là, de solides communautés, formées d'orthodoxes engagés, ayant choisi leur paroisse non par proximité spatiale mais en fonction du prêtre du lieu, qui assure aussi leur direction spirituelle. Elles développent souvent une forte activité dans le monde (aide aux prisonniers, assistance dans les hôpitaux...) et contribuent à la reconstitution du tissu social, mis à mal par les bouleversements des années 1990. L'Union des fraternités de la Transfiguration du père Kotchetkov ou la paroisse Saints-Côme-et-Damien constituée par des disciples du père Alexandre Men en sont deux archétypes, étudiés ici par Alexandre Agadjanian. L'une et l'autre insistent sur le sentiment communautaire et valorisent les petits groupes de type familial, même si leurs modes d'organisation sont assez différents ; l'Union des fraternités de la Transfiguration privilégie l'homogénéité du groupe, la paroisse Saints-Côme-et-Damien se montrant plus ouverte à la diversité. Elles subissent l'empreinte de leurs pasteurs dont les parcours religieux sont très différents.

9.Une autre question porte sur les acteurs mêmes de cette vie religieuse. L'étude sur le fonctionnement des paroisses montre comment l'engagement dans le système soviétique, et en particulier dans le Komsomol, organisation de la jeunesse communiste, est souvent un préalable à un engagement actif dans l'Église (Kathy Rousselet). Plus que jamais, le séculier et le religieux s'entremêlent, et le récit de vie privilégie la continuité. Étudiant les femmes dans l'éducation religieuse dans deux villes de régions différentes, Detelina Tocheva et Agata Ładykowska soulignent également que celles-ci, formées à la pédagogie dans le système soviétique, éventuellement même à l'époque professeurs d'athéisme, sont employées par les prêtres parce que ce sont de bonnes « techniciennes de l'éducation » et qu'elles ont le sens de l'organisation.

10.Ce dossier bouleverse peut-être certaines idées reçues. Il souligne le caractère singulier du développement du religieux en Russie, dû au contexte post-soviétique, mais aussi aux spécificités de la religion orthodoxe. La vie religieuse échappe largement aux relations entre le Patriarcat et l'État. Les tendances autoritaires à l'intérieur de l'Église n'empêchent pas une pluralité de pratiques au niveau local. Les engagements religieux d'aujourd'hui s'inscrivent dans le prolongement des engagements sécularisés d'hier. On a volontiers centré les analyses sur le fait religieux en Russie autour d'une rupture avec la situation précédente. Les observateurs ont voulu y trouver des traits communs à d'autres contextes, que ce soit en termes de sécularisation ou désécularisation, en lien avec une modernité post-soviétique qui reste néanmoins difficile à définir. Si l'approche comparative est sans nul doute pertinente, l'heure semble venue de regarder également les choses de plus près afin de mieux spécifier.

Bibliographie

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– (dir.), 2006, Religioznye praktiki v sovremennoj Rossii [Les pratiques religieuses dans la Russie contemporaine], Moscou, Novoe Izdatel'stvo, 2006.
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Čapnin Sergej, 2013, Cerkov' v postsovetskoj Rossii. Vozroždenie, kačestvo very, dialog s obŝestvom. Sub''ektivnye razmyŝleniâ o nastoâŝem i buduŝem [L'Église dans la Russie post-soviétique. Renaissance, qualité de la foi, dialogue avec la société. Réflexions subjectives sur le présent et l'avenir], Moscou, Arefa.

Hann Christopher, Goltz Hermann (éds.), 2010, Orthodoxy, Orthopraxy, Parádosis: Eastern Christians in Anthropological Perspective, Berkeley, California University Press.

Karpov Vyacheslav, 2010, « Desecularization: A Conceptual Framework », Journal of Church and State, 52 (2), p. 232-270.

Kormina Žanna, Pančenko Aleksandr, Štyrkov Sergej, 2006, Sny Bogorodicy. Issledovaniâ po antropologii religii [Les rêves de la Vierge. Études d'anthropologie religieuse], Sankt-Peterburg, Izd. Evropejskogo Universiteta.

Kormina Jeanne, 2010, « Avtobusniki: Russian Orthodox Pilgrims' Longing for Authenticity », in Hann C. and Goltz H. (éds.), Orthodoxy, Orthopraxy, Parádosis: Eastern Christians in Anthropological Perspective, Berkeley, California University Press, p. 267-286.

Kormina Jeanne, 2013, « La langue des pèlerins orthodoxes : l'“énergie sacrale d'un lieu chargé de prière” », Slavica Occitania, no 36 (« Pèlerinages en Eurasie et au-delà ») (à paraître).

Meŝerinov Petr, « Počemu deti vocerkovlennyh roditelej uhodât iz Cerkvi » [Pourquoi les enfants de personnes engagées dans l'Église la quittent], 9 février 2011 (consulté le 16 avril 2013), http://www.pravmir.ru/pochemu-deti-vocerkovlennyx-roditelej-uxodyat-iz-cerkvi/

Naletova Inna, 2006, « Sovremennye pravoslavnye ârmarki kak vyraženie pravoslavnoj very vne hrama » [Les foires orthodoxes aujourd'hui comme expression de la foi orthodoxe en dehors de l'église], in A. Agadjanian, K. Rousselet (dir.), Religioznye praktiki v sovremennoj Rossii [Les pratiques religieuses dans la Russie contemporaine], Moscou, Novoe Izdatel'stvo, p. 178-198.

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Shevzov Vera, 2004, Russian Orthodoxy of the Eve of Revolution, Oxford University Press.

Notes

1  Voir http://www.levada.ru/17-12-2012/v-rossii-74-pravoslavnykh-i-7-musulman, consulté le 16 mars 2013.

2  Les résultats de ce sondage ont été publiés dans Atlas religij i nacional'nostej Rossijskoj Federacii (2012).

Référence papier

 

Kathy Rousselet, « Introduction : l'orthodoxie russe aujourd'hui », Archives de sciences sociales des religions, 162 | 2013, 9-14.

 

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