Dans les Langhe, en Piémont

C'est maintenant la région viticole que nous connaissons le mieux, depuis bientôt vingt ans, presque chaque année nous avons parcouru ces magnifique collines en tous sens, nous avons goûté et acheté des vins chez des dizaines de producteurs.

Nous sommes arrivés à Monforte d'Alba en 1996, faisant une escale du la route de la Toscane dans le but de connaître un peu les vins dont on disait le plus grand bien dans les publications spécialisées.

Découvrir le Barolo avec Giacomo Conterno

Nous avons eu une chance inouïe ; notre premier mentor a été un prince, un viticulteur parmi les plus grands et un homme d'une immense gentillesse. 

Giacomo Conterno nous a fait goûter ses vins, prenant le temps de nous expliquer la région, le climat des Langhe entourées de montagnes et à moins d'une centaine de kilomètres de la Méditerranée,  le nebbiolo, un cépage bien adapté à ce climat, mais un cépage difficile un peu comme le pinot noir en Bourgogne....

 

Et il nous a fait goûter du Barolo et sa quintessence, le Monfortino.

Les Barolo du domaine Giovanni Conterno représentent pour moi la quintessence du Barolo traditionnel...


Puis nous sommes revenus quelques fois au domaine de Giacomo Conterno maintenant dirigé par son fils Roberto qui poursuit sur le même chemin et produit des vins magnifiques.

Roberto Conterno devant les grands foudres
Roberto Conterno devant les grands foudres

Le "modern-style" d'Elio Altare

Puis nous avons rencontré Elio Altare. Il nous a fait goûter ses vins, différents mais très bons et il a lui aussi été très disert sur l'histoire du Barolo, les méthodes qu'il avait fallu totalement renouveler, ce qu'il avait appris des grands viticulteurs français, notamment de Paul Pontallier, le directeur de Château Margaux.


Elio Altare près de ses barriques françaises
Elio Altare près de ses barriques françaises


Il nous a expliqué qu'ils étaient tout un groupe de viticulteurs jeunes et modernes, enthousiastes qui innovaient, amenaient des techniques nouvelles dans le Piémont et produisaient des vins pour les amateurs d'aujourd'hui.


Elio Altare, et ses vins, ont d'incontestable qualités, mais au fil des années, des succès de toutes sortes, il est devenu difficile à fréquenter, sûr de lui et sûr d'être le meilleur.

C'est dommage, nous ne le dérangerons plus.



Quelle est cette querelle des anciens et des modernes ?

J'emprunte à Jacques Dupont le résumé du débat tel qu'il le présentait dans un article du "Point" du 10 août 2013 :

 

Le barolo est-il le plus grand vin d'Italie ? On laissera la réponse en suspens. Se poser la question est suffisant. Incontestablement, il s'agit du vignoble le plus prestigieux et depuis plus d'un siècle reconnu comme tel en Italie. Au nord du pays, mais au sud de Turin, entre Alba et Mondovi, le barolo est produit sur les communes de Barolo, Castiglione Falletto, Serralunga d'Alba, La Morra, Novello, Monforte d'Alba, Verduno, Grinzane Cavour, Diano d'Alba, Roddi et Cherasco.... Le cépage nebbiolo comprend trois variétés, Michet, Lampia, Rosé. Il est rarement planté au-delà de 250 ou 300 mètres d'altitude sous peine de ne pas mûrir. Au-dessus, on rencontre les noisetiers,...

 

Les journalistes de la péninsule parlaient du barolo naguère comme d'un "vieux lion endormi". Le fauve depuis vingt ans s'est réveillé et rappelle qui est le roi. Mais ce réveil s'est accompagné de questions existentielles et de grands débats entre anciens et modernes. Pour résumer, en restant à barolo (ceux qui veulent téléporter ces antagonismes vers la France le feront aisément), deux grandes tendances, deux visions du vin s'affrontent. 

  

Des vins plus ronds, plus faciles 

La première, celle dite des modernes, tient en substance ce raisonnement : le barolo d'hier, c'est fini. Les très longues macérations, les élevages de plusieurs années en foudre qui donnaient des vins aux finales sèches, terminés. Il fallait attendre vingt ans pour les boire. Le goût d'aujourd'hui, ce n'est plus cela. Il nous faut des vins plus ronds, plus faciles, aux arômes plus immédiatement identifiables. Et tout ce plus, l’œnologie d'aujourd'hui nous l'offre sur un plateau. 

D'autant que la concurrence est rude et le poids des notes très lourd qui ouvre les portes du marché américain. Il faut satisfaire les consommateurs qui n'achètent que du XXL (plus de 95 sur 100) avec le gras, les saveurs boisées, l'alcool qui rend si doux et parfois même un brin de sucrosité pour l'amabilité. Beaucoup lorgnaient sur Angelo Gaja, et continuent de le faire. ....

Comme tous les modernistes ne s'appellent pas Gaja, ils ont recours à la technique pour rendre aimable leur barolo. Des pratiques œnologiques bien connues chez nous: levures sélectionnées, méthodes d'extraction puissantes à température élevée - on a beaucoup recours à des cuves équipées de sortes d'hélices d'avion qui brassent le marc assez vigoureusement -, élevage en barriques françaises qui confèrent des saveurs vanillées ou toastées et des tanins doux. Certains appliquent ce programme à la lettre, d'autres n'en prennent qu'une partie, c'est selon. 

 

Deux ans en fût, un an en bouteille

La seconde école, celle des traditionalistes, consiste à fouler le raisin, à laisser agir les levures "indigènes", à procéder à des remontages - le jus prélevé avec une pompe en bas de la cuve est transféré en haut, sur le "chapeau", c'est-à-dire les peaux et les pépins qui forment une couche solide. Ensuite, à l'aide de grilles, le chapeau est maintenu immergé dans la cuve. Cette méthode fut celle du fondateur d'une lignée de grands vinificateurs et vignerons, Giacomo Conterno. Défenseur du "vrai" barolo, ennemi du racolage, il fut le gardien du temple et reconnu, comme le grand homme du barolo. À sa mort, ses deux fils ont repris le domaine, mais Aldo et Giovanni ne se sont pas entendus sur la méthode.... Giovanni resta au domaine Giacomo Conterno et Aldo fonda sa propre exploitation. (...)

Au domaine Giacomo Conterno, Giovanni est décédé et c'est son fils qui a pris la suite. Pas de cuves en inox, rien que du bois ancien et, des vins merveilleux....

 

Complexité des arômes

Quant au reste, le barolo des vrais modernistes, il ne vaut pas le déplacement, nous avons les mêmes près de chez nous ou aux rayons des supermarchés : merlots trop mûrs de France ou d'ailleurs, australiens industriels, espagnols trop boisés. Ils sont les apatrides du vin, sans racines... D'autant plus qu'en vingt ans, l'appellation a beaucoup progressé, que les "traditionalistes" d'aujourd'hui l'ont débarrassée des mauvais réflexes d'autrefois. Les vignes sont bien conduites, la maturité optimale est attendue pour vendanger le barolo à l'ancienne, qui était certes d'une grande richesse aromatique, mais pénalisé par des finales sèches et "alcooleuses", qui ont pratiquement disparu. 

 

Reste que sur 1 300 hectares, des expositions et des sols différents, le cépage nebbiolo n'accouche pas d'un seul modèle de barolo. De tout temps, on a remarqué que les vins provenant de Serralunga ou de Monforte sont plus puissants, plus lents à se faire que ceux de Verduno ou de La Morra. Des vignobles, des "climats" différents comme en Bourgogne, à laquelle Aldo Conterno faisait souvent référence : "Le nebbiolo, c'est un peu comme le pinot noir de Bourgogne, il change les caractéristiques du vin d'une colline à l'autre. Dans le nord de l'Italie, nous avons 25 vins différents avec le seul nebbiolo." 

 

Pour se faire plaisir avec un barolo, il convient de le déboucher plusieurs heures avant (4 ou 5), de le carafer et de le maintenir en cave ou dans une ambiance n'excédant pas 15 degrés. Le servir aux alentours de 18 degrés, pas plus, en évitant les sauces trop chargées qui risqueraient de masquer la complexité des arômes...

Nous n'avons ni l'envie, ni les compétences pour trancher ces débats. Notre quête est uniquement hédoniste....

Délicieux Barolo de La Spinetta

Lorsque nous sommes arrivés à la cave de La Spinetta, Giorgio Rivetti a demandé à son collaborateur Stéphano Mazzetta de s'occuper de nous puisqu'il parlait français. Nous ne savions pas encore que Stéphano avait vécu à Créteil, que son père quand il avait émigré à Paris, travaillait juste en face de la librairie que j'ai animée rue de Sèvres. Nous savions encore moins que nous allions devenir amis.

Stephano nous a fait découvrir les vins de la cave, l'année suivante nous sommes allés avec lui à la nouvelle cave installée à Grinzane Cavour d'où sort le Barolo Campé.

Le Barolo "Campé", du domaine de la Spinetta, est devenu l'un de mes vins préférés.

En cave nous n'avons plus que des millésimes 2001, 2004, 2006, 2007 et 2011,... il va falloir être patients.

Luciano Sandrone produit lui aussi des Barolo de grande classe...

Militants du Barolo traditionnel et ....

Une visite chez Mascarello à Barolo c'est bien plus qu'une dégustation de vins.

 

Bartolo Mascarello a marqué profondément la région. C'est une référence morale autant qu'un viticulteur. Il a joué un rôle connu de tous dans la résistance au fascisme et il a continué à défendre des positions humanistes.

 

Il n'était plus là pour nous accueillir. (Il est mort en 2005), C'est sa fille Maria-Teresa qui poursuit son travail dans la même voie.

Bartolo Mascarello dessinait ses étiquettes qui sont devenues des objets de collection. 


Un certain nombre d'entre elles diffusaient aussi ses idées et ont provoqué bien des remous, comme l'étiquette "No barrique, no Berlusconi" qui a conduit à des interventions de la police dans les magasins qui ont osé la mettre en vitrine....


Maria-Teresa Mascarello, sa fille, ne fait pas d'étiquettes comme celles de son père, mais elle poursuit le travail dans les vignes et dans la cave en digne héritière des traditions.


Elle parle un français de qualité et elle s'intéresse à énormément de choses... c'est une personne dont la rencontre est tout à fait passionnante.


Parmi les nombreux autres producteurs de Barolo de qualité nous avons en cave des vins que nous aimons de chez Vajra ou de Domenico Clerico... et de quelques autres.

 


Le village et le château de Barolo, et derrière les Alpes
Le village et le château de Barolo, et derrière les Alpes

La région n'offre pas que du Barolo

Au sud ouest d'Alba (en rouge) le secteur du Barolo, à l'est (en bleu) la zone du Barbaresco.
Au sud ouest d'Alba (en rouge) le secteur du Barolo, à l'est (en bleu) la zone du Barbaresco.

Le Nebbiolo est cultivé dans toute la région. Il donne le Barolo ou le Barbaresco dans les communes délimitées sur la carte ci-dessus, et du Nebbiolo en dehors de ces zones d'appellation.

Barbaresco et autres nebbiolo

Le village de Barbaresco et sa tour devant les Alpes
Le village de Barbaresco et sa tour devant les Alpes

Les Barbaresco de La Spinetta

La Spinetta produit de grands vins de Barbaresco sous trois étiquettes pour des vignes situées à Neive (Starderi et Gallina) et à Treiso (Valeirano).

Au fil des années nous sommes devenus des fidèles de La Spinetta.

Produttori del Barbaresco

Ci-contre du nebbiolo d'Alba produit par Luciano Sandrone. De très nombreux producteurs utilise cette dénomination hors des zones de Barolo et de Barbaresco.

Produttori del Barbaresco est une cave coopérative qui fait des vins de bonne qualité soit sous l'étiquette générique de Barbaresco qui offre le meilleur rapport qualité/prix de la région, soit sous les noms des vignes 


De la Barbera

La Barbera est un cépage très cultivé dans toute la région. Il est vendangé plus tôt que le nebbiolo et il donne des vins plus faciles à boire jeunes. Il peut donner des vins riches et complexes quand les conditions de culture, la maturité et la qualité du travail du vigneron le permettent. 


La Barbera d'Alba du domaine de Giacomo Conterno est un des vins que nous buvons le plus souvent avec le plus de plaisir.

Giacomo Bologna a cherché à produire une Barbera allant au maximum de son potentiel. Les années particulière il a produit une cuvée "Ai Suma" (au sommet). Depuis sa disparition, sa famille poursuit son travail. 

Le "Bricco dell'Uccellone" est une Barbera d'Asti apte à vieillir... 

A Rocchetta Tanaro nous avons été très bien reçus par Anna et Raffaella Bologna, la femme et la fille de Giacomo Bologna, dans leur cave grande et très moderne.


Moscato d'Asti

Le moscato d'Asti est un vin doux, pétillant et peu alcoolisé (environ 5 degrés) qui est parfois lourd et trop sucré mais qui peu être élégant très agréablement parfumé et qui se boit joyeusement avec des desserts, certaines entrées ou au goûter...

vignes du moscato
vignes du moscato

Les routes du moscato serpentent entre les collines escarpées et les viticulteurs ne sont pas toujours faciles à trouver.

Il y a des vins très plaisants et des personnes intéressantes.

A La Spinetta, le moscato est un des piliers de la maison. Les deux étiquettes sont très bonnes.

Forteto della Luja est le domaine qui a élevé le moscato au rang de grand vin.

La famille Scaglione fait du très bon vin, ils s'intéresse aux animaux, à la flore, à la géologie, aux climats, il sont engagés dans une démarche écologique depuis bien avant que ce soit à la mode.

Il nous avait fait toute une passionnante présentation de la zone avant de faire goûter ses vins.

Il a obtenu une DOCG (appellation contrôlée) pour son vin de Loazzolo.


Le moscato est très bon, il est produit en moscato d'asti classique, en passito magnifique.

Fortetto della Luja, vendanges avec le cheval
Fortetto della Luja, vendanges avec le cheval

Nous avons goûté, aimé et acheté du moscato d'asti au domaine Elio Perrone et chez Degiorgis.

Avec Patrizia Degiorgis
Avec Patrizia Degiorgis

Metodo Classico

Des vins pétillants sont également produits dans toute la région selon le procédé dit de la méthode classique, comme en Champagne.

Contratto, qui a été racheté depuis quelques années par La Spinetta, est un producteur réputé disposant de superbes caves. Contratto élabore des vins pétillants à base de muscat (De Miranda), de chardonnay (cuvée brut, bacco d'oro, et riserva Giuseppe Contratto brut).

Et d'autres vins

Nombre de viticulteurs font des expériences ou cultivent pour leur plaisir des cépages venus d'ailleurs.

Dans les Langhe ont voit arriver des bouteilles de riesling qui paraît bien adapté au climat de certaines zones de la région.