Dans le Bordelais

Pendant bien des années je ne connaissais des vins de Bordeaux que des décoctions alcoolisées de bois et de tanins, surtout âpres voir astringentes. J'étais surpris par le prestige de tels breuvages et je pensais que seul le snobisme pouvait l'expliquer...

Et puis un jour, Odile et Christian Fournier nous ont offert, comme cadeau de mariage, des bouteilles de "Pavillon rouge", le second vin de Château Margaux. Après les avoir remerciés nous avons voulu goûter. Et là, nous leur devons une vive reconnaissance de nous avoir aidés à franchir les limites de nos à priori. Et nous sommes partis à la découverte d'un monde nouveau.  

Nous avons fait plusieurs séjours en bordelais, sillonnant le médoc, le libournais et le sauternais sans jamais avoir l'ambition de tout connaître, mais à la recherche du plaisir.

Château Margaux

Nos amours bordelais ont donc commencé avec du "Pavillon rouge". Une fois bues les bouteilles qui nous avaient été offertes, nous en avons acheté à l'occasion de "Foires aux vins" et nous en avons bu de jeunes bouteilles plaisantes.

 

Après avoir consulté des revues, lu des livres, après m'être documenté, j'ai souscris pour la première fois à une vente en "primeur" de vins de Châteaux Margaux. 


Et nous avons eu envie d'aller voir !

Annie devant les grilles de Château Margaux (1993)
Annie devant les grilles de Château Margaux (1993)

Nous avons été reçus de manière fort agréable, faisant un tour dans les vignes autour du château, visitant le cuvier, la tonnellerie, un immense chai à barriques où l'on a pu voir préparer du blanc d’œuf pour la clarification, procéder à l'ouillage (on nous a offert une bonde en verre), puis nous avons goûté le vin en cours d'élevage.

cuvier de vinification au Château Margaux
cuvier de vinification au Château Margaux
tonnellerie au Château Margaux
tonnellerie au Château Margaux
Château Margaux, on aperçoit une équipe en cours d'ouillage
Château Margaux, on aperçoit une équipe en cours d'ouillage

Aujourd'hui, nous avons en cave de quoi continue à vérifier de temps à autre comment vieilli ce vin, et comment évolue notre goût.

Château Haut-Brion

Notre découverte de Haut-Brion fut fortuite.

Lors d'une foire aux vins, des bouteilles du millésime 1984 du Château Haut-Brion étaient vendues au prix de 100 francs. J'ai acheté une bouteille pour voir et nous l'avons ouverte le soir même. Waouh ! comment s'écrient certains.

Je suis retourné le lendemain dans le magasin où je l'avais trouvée et j'ai acheté les deux dernières caisses et je crois un peu de la Mission Haut Brion de la même année.

J'ai eu l'occasion de connaître plus tard une personne qui c'était occupée de l'opération chez un négociant bordelais ; le millésime 1984 avait été globalement médiocre en raison des conditions climatiques. Un certain nombre de domaines avaient déclassé leur production et peu ou pas produit de leur grand vin. Haut Brion semblait s'en être pas mal sorti sur le plan qualitatif, mais avait subit la forte baisse des ventes du millésime dans son ensemble. Aussi des stock importants restaient au Château que des négociants bordelais se sont chargés d'écouler à des prix "de solde". En regardant les factures que j'ai conservées je m'aperçois que j'en ai acheté beaucoup, vraiment beaucoup, je crois me souvenir que j'en ai cédé à quelques amis.

Ayant ainsi goûté au nectar, j'ai voulu découvrir les grands millésimes. J'ai eu la chance de pouvoir acquérir des Haut Brion de 1989 qui est magnifique de puissance et de saveurs ; j'aime beaucoup aussi les 1995 et même le moins estimé 1994. Je n'ai pas pu acheter les millésimes suivants qui sont devenus horriblement chers.

Et nous avons eu envie de voir d'où venait ce vin fabuleux. A Pessac, en pleine ville, derrière des murs que longe la circulation urbaine, nous avons pu visiter plusieurs fois ce domaine incroyable, ses installations et goûter les grand vin et ses diverses étiquettes. 

un cuvier conçu à Haut-Brion
un cuvier conçu à Haut-Brion

Château Lafite Rothschild

Château Lafite Rothschild
Château Lafite Rothschild

La visite au château Lafite a été un moment très particulier.

Nous avions été reçu par un jeune maître de chai qui nous a fait visiter les caves et les installations.

le chai à barriques pour la deuxième année d'élevage dessiné par Ricardo Bofill
le chai à barriques pour la deuxième année d'élevage dessiné par Ricardo Bofill

A la fin de la matinée nous avons goûté près des barriques un peu de vin en cours d'élevage. C'était extrêmement difficile pour nous d'émettre quelque jugement que ce soit sur ce vin complètement fermé dont nous ne pouvions absolument pas imaginer l'avenir.

Nous sommes sortis des chais ; dans les vignes les ouvriers qui travaillaient à la taille étaient en pose et faisaient cuire des morceaux de viande sur des feux de sarments. Des oies sauvages ont survolé le vignoble avec leurs cris si caractéristiques ... nous étions dans le rêve.

dans la cave, il nous reste un peu de rêve en bouteille
dans la cave, il nous reste un peu de rêve en bouteille

Nous avons pris congé et nous sommes partis déjeuner, à la fois heureux et même flattés d'avoir pu pénétrer ce domaine, d'avoir pu le visiter, et un peu frustrés de n'avoir pas pu mieux connaître le vin du Château que nous n'avons pas l'occasion de boire très fréquemment.

Nous sommes allés déjeuner à Arcins au restaurant Le Lion d'or. C'est un restaurant fréquenté par les viticulteurs médocains qui y invitent souvent leurs relations. De nombreux châteaux y ont leur casier dans lesquels ils entreposent un peu de leurs vins pour pouvoir les boire et les offrir lors de ces repas professionnels.  

Au Lion d'or à Arcins
Au Lion d'or à Arcins

Nous n'avions pas les moyens de continuer la journée en buvant un grand cru classé. Nous avons commandé une bouteille de Château Poujeaux. C'est un vin plus accessible et qu'en général nous aimons bien (et dont nous sommes toujours clients).

Le choc fut rude : nous ne nous étions pas rendus compte que les quelques gouttes du vin de Lafite que nous avions eu en bouche une heure plus tôt étaient encore très présentes, et nous nous retrouvions avec un vin qui nous paraissait bien insipide. C'était la démonstration malheureuse qu'il y a plusieurs catégories de vins. 

Château Tertre Roteboeuf

A Saint-Émilion nous avons dégusté de très grands vins, au Château Pavie, à Cheval Blanc dont décidément je ne suis pas fanatique, à Angélus qui est flatteur et que j'ai souvent bien aimé, à Canon La Gaffelière où nous avons été accueillis et guidés par Stéphane Derenoncourt, un homme passionnant au destin exceptionnel ....

Au Tertre Roteboeuf la rencontre a été impressionnante. Sans doute parce que François Mitjaville est une personne exceptionnelle. Il prend le temps de raconter ce qui l'a amené à faire ce vin qu'il aime faire apprécier.

 

François Mitjaville travaillait à Créteil, il était kiné à l'hôpital Henri Mondor. Quand sa compagne hérite du domaine du Tertre Roteboeuf, ils ont décidé de changer de vie et de s'installer à Saint-Emilion.

 

François Mitjaville veut apprendre bien son nouveau métier. Il arrive à se faire embaucher au Château Figeac.

Quand il commence à faire son Tertre Roteboeuf, il veut faire le mieux possible mais en respectant les choix des anciens, partir de leur expérience. Il expliquait que si les anciens avaient planté du merlot à tel endroit plutôt qu'un autre cépage c'était parce qu'ils avaient remarqué que cela venait mieux ainsi. Il se définirait comme un perfectionniste mais pas un révolutionnaire !

En tout cas le résultat est là !  Le Tertre Roteboeuf est devenu un grand vin qui d'ailleurs se vend maintenant au prix des plus grands.

François Mitjaville dans sa cave
François Mitjaville dans sa cave
François Mitjaville dans son salon bibliothèque où il accueille ses visiteurs
François Mitjaville dans son salon bibliothèque où il accueille ses visiteurs

Château Lafleur

J'avais écrit au Château Lafleur pour demander à pouvoir visiter et déguster. Sans réponse j'avais téléphoné. Mon interlocuteur m'avait répondu qu'en général ils ne reçoivent pas, et que lorsque nous serions sur place il faudrait passer et que l'on verrait alors ce qu'il est possible de faire.

C'est ce que nous avons fait. Nous savions que Lafleur était contigu à Pétrus dont le nom était clairement affiché. Ne trouvant rien qui signale Lafleur nous nous sommes arrêtés près de personnes qui taillaient les vignes. Nous leur avons demandé où était le Château Lafleur. Nous y étions ! Et ils ont appelé Jacques Guinaudeau qui taillait à quelques dizaines de mètres...

Sylvie et Jacques Guinaudeau
Sylvie et Jacques Guinaudeau

Jacques Guinaudeau nous a montré leur travail de taille, très courte, puis nous sommes allés dans la petite maison où se trouve le chai et nous avons goûté le vin en barriques.

Une pure merveille. De la soie en bouche, pleine de saveurs, déjà très agréable à boire.


Château Lafleur
Château Lafleur

Après nos dégustations dans les domaines de Pomerol et de Saint Emilion, nous avons fait la synthèse de nos appréciations, et nous sommes allés chez des marchands de vins à Bordeaux pour faire nos emplettes. Personne n'avait de Château Lafleur.

Il nous a été expliqué que la petite production du château était commercialisée par la maison Moueix qui vendait presque tout à l'export et qu'il n'y en avait jamais en boutique.

De retour chez nous j'ai téléphoné chez les Guinaudeau pour leur demander comment trouver de leur vin. Après m'avoir confirmé que leur commercialisation était traitée par la maison Moueix et que tout était vendu, ils m'ont indiqué qu'ils gardaient une petite quantité de leur vin et qu'ils faisaient de temps à autres une proposition à leurs clients amateurs.

Un peu plus tard, nous avons reçu une offre et nous avons pu acheter les vins de 1996. En passant à nouveau quelques années plus tard nous avons pu enrichir notre cave. 

C'est toujours aussi bon.

Château Climens

J'aime beaucoup les vins liquoreux, les Sauternes bien sûr, mais aussi les bons gewurztraminer vendanges tardives en Alsace, les bons Vouvray moelleux, les Vin Santo de Toscane.

Cela peut être sublime avec certains fromages en fin de repas.

J'ai fait des erreurs de néophyte. Je me souviens de la première fois où j'ai pu boire avec des amis une bouteille de Yquem servie avec du foie gras en entrée. Cela a saboté toute la suite du repas. Le délicat vin de Bourgogne que nous avions pour la suite du dîner n'a pas résisté à nos bouches confites dans le sucre....

pourriture noble (Climens)
pourriture noble (Climens)

Je me souviens de cartes de vins en Italie qui proposent, après les vins rouges et blancs une rubrique consacrée aux vins de desserts et de méditation...

 

Pour l'un ou l'autre de ces usages, et l'on peut en imaginer d'autres encore comme un repas entièrement conçu avec ce type de vin, nous sommes allés faire un séjour à Sauternes et visiter la plupart des châteaux intéressants.

Nous avons goûté des vins lourds, de bons vins, et quelques vins extraordinaires.

L'un des plus équilibré, riche sans être écrasant, élégant peut-on dire, nous a paru être celui du Château Climens.

Château Climens
Château Climens

Nous avons été guidés par la propriétaire, Bérénice Lurton et ce fut un beau moment.

Le chef s’appelait Thierry Marx 

Au cours de nos ballades dans le Médoc nous nous sommes arrêtés plusieurs fois pour manger un morceau d'agneau de Pauillac ou un plat classique au restaurant du Château Cordeillan-Bages. Au déjeuner en hiver il n'y avait pas la foule, c'était très bon, très confortable, servi sur d'immenses tables... 

Nous n'avons pas eu l'occasion de venir un soir pour un dîner découverte. Le chef s'appelait Thierry Marx, nous avons du passer à côté de quelque chose.

Château Cordeillan-Bages à Pauillac
Château Cordeillan-Bages à Pauillac

Lors de l'un de nos premiers séjours bordelais nous avons pris une chambre à l'hôtel Saint-James à Bouillac dans la banlieue de Bordeaux. C'était tout nouveau, créé très récemment par l'architecte Jean Nouvel, en treillis métallique rouillé évoquant le bois dans le style des anciens séchoirs à tabac, cet hôtel était très novateur également à l'intérieur des chambres. Nous avions un petit côté Monsieur Hulot, ne sachant pas comment faire fonctionner les éclairages, s'amusant avec une multitude de gadget, Annie inquiète de la hauteur, très inhabituel du lit.... 

Hôtel restaurant "le Saint-James" à Bouillac.
Hôtel restaurant "le Saint-James" à Bouillac.