A Monplaisir

La Grande rue de Monplaisir, vers 1900, à gauche après l'entrée de l'immeuble ce qui sera les Chaussures Roland (photo communiquée par Gisèle Chapiron CIL-Monplaisir)
La Grande rue de Monplaisir, vers 1900, à gauche après l'entrée de l'immeuble ce qui sera les Chaussures Roland (photo communiquée par Gisèle Chapiron CIL-Monplaisir)

Mes parents ont repris un fonds de commerce de chaussures au 98 Grande rue de Monplaisir (qui deviendra plus tard l’avenue des Frères Lumière) en 1947. Ils ont appelé ce magasin les « Chaussures Roland » du prénom de mon père.

Il m’arrivait souvent le jeudi – c’était alors le jour de repos des écoliers – de rejoindre mes parents au magasin. C’était aussi le cas lors des vacances quand je ne partais pas en maison d’enfants ou plus tard en colonies de vacances.

J’ai donc des souvenirs dans ce quartier, principalement les souvenirs de courses que je faisais avec ma mère, et parfois tout seul ; par contre je n’ai jamais eu de copain de mon âge à Monplaisir, tous mes camarades des années d’école étaient de Montchat.

Je me souviens de l’épicerie à l’angle de la rue Saint Maurice ou j’allais chercher des petites courses, du chocolat pour mon goûter ou des produits que ma mère voulait ramener. Je n'avais pas besoin d'argent, l'épicier avait un cahier dans lequel il inscrivait les achats, puis ma mère allait payer. J’allais surtout y faire les échanges des images que l’on trouvait dans les plaquettes de chocolat « Poulain » ou « Suchard », je ne sais plus. Nous les collectionnions et il y avait des albums pour les coller. L’épicier avait de grandes boîtes dans lesquelles je pouvais choisir des images qui me manquaient et que j’échangeais contre les doubles que j’avais accumulés.

Plus tard les enfants se sont fait vendre des paquets d'images Panini ou autres et se les échangeaient selon des règles connues d'eux seuls.

De l’autre côté du magasin de chaussures il y avait un café à l’aménagement hors d’âge tenu par une dame qui me semblait également très vieille et que j’ai parfois aidée à aller faire des achats. Au milieu du bistrot il y avait encore un vieux poêle avec un tuyau de cheminée qui traversait le boui-boui.

Adolescent, je me suis quelques fois joint à des habitués qui jouaient à la belote ou à la coinche.

Un peu plus bas se trouvait la laiterie, fromagerie Pras. Nous allions y acheter du lait, du beurre, parfois du fromage. Je me souviens d’une publicité qui était accrochée au mur du fond avec un visage de femme borgne ou plutôt cyclope ;  il y avait un slogan « Un repas sans fromage est une belle à qui il manque un œil. » J’ai su bien plus tard que c’était une citation de « la Physiologie du goût » de Brillat-Savarin.

Un peu après il y avait une boutique de quincaillerie, puis on arrivait à la boulangerie Galiffet ; le magasin était tenu par Suzanne, qui sera bien plus tard ma belle-sœur.

Le fleuriste est l'un des derniers magasins qui n'a presque pas changé, ici en 2015
Le fleuriste est l'un des derniers magasins qui n'a presque pas changé, ici en 2015

Quand l’on remontait la rue il y avait Hadorn, le tailleur, qui était l’un des « gros » commerçants du quartier, puis la petite boucherie où mes parents allaient acheter leurs steak que mes parents aimaient très tendre – mais sans goût –.

Après, le cinéma « Cristal Palace » qui a cédé la place à un supermarché alimentaire sous l’enseigne « Gro » vers 1960. J’y suis allé quelques fois. Mon souvenir le plus fort date sans doute de 1956 ou 1957. J’étais allé voir, probablement avec ma mère, « Michel Strogoff », l’une des adaptations du roman de Jules Verne ; j’ai tellement pleuré lorsque le héros a les yeux brûlés que c’est sans doute cela qui l’a sauvé…. 

Le Cristal-Palace
Le Cristal-Palace

Un peu plus loin il y avait une papeterie, chez Martin, un fleuriste et le concurrent de mes parents, les Chaussures Durand.

Sur le trottoir d’en face se trouvait le bureau de tabac, marchand de journaux ; dans les années soixante les clients rentraient dans cette boutique et demandaient « le » journal… c’était « le Progrès », il devait pourtant vendre d’autres titres…

Il y avait un marchand de fruits et légumes, puis un maroquinier, une pharmacie…

Toujours sur le trottoir impair, une boulangerie puis en montant la rue, une boucherie chevaline et une triperie. Je me souviens que mes parents tenaient à ce que nous mangions de la viande de cheval une fois par semaine mais je ne sais plus quel apport particulier cela était censé nous amener ; peut-être que comme les épinards cela devait-il donner des forces...

Puis il y avait le Grand bazar de Monplaisir où nous trouvions des jouets, des outils, etc

Ensuite la chemiserie était tenue par une amie de mes parents, Madame Desbrosse je crois, puis la bijouterie de Gilbert Rambaldi.

En continuant, à l’angle de la Place on trouvait un charcutier-traiteur.

La pharmacie du quartier existe toujours. Autrefois, c'était Monsieur Daclin qui délivrait les remèdes dont nous avions besoin.

Le restaurant de qualité de l'endroit était "l'Auberge savoyarde" où mes parents aimaient manger l'omelette norvégienne flambée. Elle existe toujours et elle c'est parée d'une fresque murale à la gloire du cinéma.

Mais aujourd'hui, la villa de Marguerite et Auguste Lumière, juste en face, a été rachetée par le groupe de Paul Bocuse qui y a installé un restaurant gastronomique "la Villa Marguerite".

Au premier plan à gauche, la villa Lumière telle qu'elle était encore il y a quelques années.

Nous allions aussi chez Boulade pour les développements et les tirages photos.

des travaux photos (développement et tirages) chez Boulade
des travaux photos (développement et tirages) chez Boulade

Tout cet univers de commerces de quartier était animé avec des gens qui se fréquentaient, qui connaissaient personnellement leurs clients. Mes parents entretenaient des rapports amicaux avec certains. Ils étaient plus distants avec d’autres ; je crois me souvenir d’une ou deux allusions au passé de certains voisins semble-t-il compromis pendant la guerre, mais je n’en ai pas su d’avantage.

L'avenue des Frères Lumière depuis le croisement de la rue Villon en mars 2015
L'avenue des Frères Lumière depuis le croisement de la rue Villon en mars 2015

J'étais dans l'avenue des Frères Lumière le 10 mars 2015. Les immeubles de deux ou trois étages tout au long de la rue sont toujours les mêmes, ils sont plus propres et colorés qu'autrefois. Les commerces eux ont été presque totalement renouvelés, mis à part le fleuriste, les chaussures Durand, une boulangerie et le bureau de tabac. Mais ce qui m'a le plus surpris c'est de compter entre la rue Villon d'où est prise la photo ci-dessus et la place de Monplaisir, 150 mètres plus loin, au moins huit salons de coiffure ! Craignant de m'être trompé dans ce décompte je suis allé voir dans l'annuaire ; 20 réponses apparaissent à la requête "salon de coiffure avenue des Frères Lumière Lyon". Quant à ce qui fut le magasin de mes parents c'est devenu "Shop coiffure" un magasin de matériel et accessoires pour coiffeurs. Les personnes que j'ai croisées dans la rue ne m'ont pourtant pas paru particulièrement pomponnées !!!

 

La maison des Lumière et le Musée du cinéma

Le Cinématographe est né rue du Premier-Film,  au centre du quartier Monplaisir de Lyon, où subsistent aujourd'hui seulement le hangar des usines et la Villa Lumière qui dresse son imposante silhouette. Le Musée Lumière rend hommage à Louis et Auguste et y présente leurs plus belles trouvailles dans le décor élégant de la demeure familiale, entre plafonds ouvragés, escalier monumental et verrière du jardin d’hiver.

Le musée donne, bien sûr, la part belle au Cinématographe, plus célèbre invention des frères Lumière. Il la replace dans la longue histoire des images animées, depuis les lanternes magiques jusqu’au prototype mis au point par Louis pour ses premiers essais de films sur papier en 1894. Grâce à la collection d'appareils anciens rassemblée par le docteur Paul Génard et acquise en 2003, l’exposition présente d’incontournables chefs-d’œuvre techniques tels le kinétoscope d’Edison, le chronophotographe Demenÿ  ou le Cinématographe Lumière "n°1" qui projeta les dix premiers films le 28 décembre 1895, au Grand Café à Paris, devant les 33 spectateurs de la première séance publique payante. Quelques semaines après, des « opérateurs Lumière » partaient tout autour du monde pour filmer d’autres pays, d’autres vies. Les films projetés sur les écrans du musée racontent leur  curiosité, leur sens du cadrage et de l’esthétique. Une salle est consacrée au plus célèbre de ces aventuriers, Gabriel Veyre, parti tourner et photographier aussi bien en Amérique Latine qu’en Asie.

Au-delà de l’image, les deux frères ont également touché à des domaines aussi variés que le son, la mécanique ou la recherche médicale. L’exposition permet ainsi de découvrir l’étonnante  « main-pince » articulée que Louis mit au point pour soulager les amputés de la Première guerre mondiale, et  le célèbre Tulle gras qu’Auguste élabora durant ce conflit pour favoriser la cicatrisation des brûlures et plaies.

Voir aussi le texte sur les Frères Lumière dans la page sur "quelques industriels lyonnais"...