Souvenirs professionnels

Je n'ai plus l'âge des curriculum vitae, et, je l'espère, pas encore celui du bilan. Ce sont donc des moments, pas nécessairement les plus importants, que j'ai envie d'évoquer.

Avec Salvador Dali 1967
Avec Salvador Dali 1967

Apprenti journaliste.

Avant de me lancer dans l'univers de la librairie et de l'édition, j'avais rêvé d'être journaliste.

Ecole et stages puis deux années dans un quotidien et je suis allé chercher ailleurs.

Il y eu quelques moments dont il me reste de bons souvenirs. 

 

L'entretien que m'avait accordé Salvador Dali pendant lequel plusieurs heures durant il a sérieusement expliqué ses projets, la construction de son musée,... 


Libraire puis éditeur militant. A Lyon de 1969 à 1978 j'ai animé Fédérop, une minuscule librairie puis une maison d'édition associative regroupant des militants des gauches plus ou moins radicales, et des fédéralistes européens, ... Les travers post soixante-huitards n'ont pas empêché quelques feux d'artifice... 

L'OuLiPo à Lyon. Georges Perec raconte ainsi en liminaire de "La Cantatrice Sauve" (Bibliothèque Oulipienne n°16) :

 

"Le samedi 12 juin 1976, répondant à une invitation de la Librairie Federop, une délégation de l'OuLiPo composée de Jacques Bens, de Harry Mathews et de moi-même, partit d'assez bon matin en voiture pour Lyon, où nous attendait déjà Paul Fournel.

Nous nous arrêtâmes pour déjeuner....

 

Je ne me souviens plus à quel moment précis, ayant repris la route et luttant contre une certaine somnolence post-prandiale que la monotonie autoroutière risquait sensiblement d'amplifier, la conversation alla porter sur l'incomparable cantatrice qui se nomme Montserrat Caballé. En tout cas, le nom seul de cette Diva sublime déclencha dans l'automobile une fièvre homophonique qui devint bientôt fureur et nous tint, bien au-delà du voyage, et bientôt rejoints par Paul Fournel, Claude Burgelin et Béatrice de Jurquet, jusqu'à l'heure du diner. Encore ne consentîmes-nous à nous arrêter que parce que nous étions arrivés à la 101e métamorphose de ce nom chéri, et qu'une exaspération, muette mais croissante, commençait à férocement émaner de nos hôtes qui, depuis plusieurs heures déjà, espéraient de plus en plus vainement que nous allions enfin causer littérature..."

(suivent 101 petites histoires....)


Hachette. De 1978 à 1980.

Un autre univers.

Après la micro entreprise, j'ai été chargé de créer un petit service commercial spécialisé... il a fallu apprendre à devenir vraiment "professionnel".

Peut-être une expérience fondatrice pour la suite de ma vie professionnelle.

Editeur. De 1980 à 1983, j'ai collaboré avec divers éditeurs dans une précipitation un peu vertigineuse.

Directeur de Slatkine-France avec Paul Fournel, puis chez Jean-Jacques Pauvert fabricant de livres érotiques de luxe, directeur des éditions Jeune Afrique, directeur des éditions Paul Montel... 


Libraire Chroniques à Créteil. 

Deux rencontres parmi plus d'une centaine

Deux rencontres parmi plus d'une centaine.

En 1983 j'ai créé Chroniques, une petite librairie regorgeant de merveilles choisies goulûment sans soucis de "gestion de stock" et en négligeant la loi fondamentale du commerce puisque à l'écart de tout "bon emplacement". Et donc la vie a été difficile malgré l'amitié forte d'une partie des clients, malgré un formidable travail d'animation nous amenant à recevoir plus d'une centaine d'auteurs magnifiques, malgré les marchés de fournitures aux collectivités.... 


En 1994 nous fêtions les dix ans de Chroniques en publiant un recueil de nouvelles écrites par nos clients, puis après l'ouverture de Chroniques à Cachan, la librairie de Créteil s'est éteinte avec le siècle.

Librairie Chroniques à Cachan.

C'est en 1998 qu'avec ma fille Alexandra nous avons ouvert la librairie Chroniques de Cachan. Sur 55 m² le pari a été fait d'un aménagement plus soigné et de choix plus rationnels.

La librairie a réussi à s'imposer et à vivre.

Après mon départ à la retraite, la société a été rachetée par un jeune libraire qui continue à sa manière ce que nous avions créé.


Librairie Chroniques & Chantelivre à Issy-les-Moulineaux

A la fin de l'année 2001 j'ai ouvert à Issy-les Moulineaux une nouvelle librairie sous l'enseigne de "Chroniques & Chantelivre".

Associé à parts égales avec le groupe  de "L'Ecole des loisirs" nous avons pu réaliser une belle librairie sur 160 m², bien placée sur l'esplanade de la Mairie.

Avec huit salariés nous changions de catégorie.

Le succès a été très rapide.

La librairie a conquis une clientèle large tout en affirmant des choix de qualité.


Aujourd'hui, c'est devenue la librairie Chantelivre complètement intégrée au groupe éponyme.

Chantelivre à Issy les Moulineaux en novembre 2015

Librairie Chantelivre à Paris.

 

La librairie créée en 1974 rue de Sèvres par Jean Fabre et Jean Delas, qui dirigeaient les éditions de l'Ecole et développaient "L'Ecole des Loisirs", était bien installée dans son statut de plus importante librairie d'Europe spécialisée pour la jeunesse.

L'objectif qui m'a été confié était de réveiller cette belle institution, de l'ouvrir à la littérature générale destinée aux adultes tout en concervant la qualité d'assortiement destiné à la jeunesse. 

Un petit "lifting" des aménagements a soutenu l'effort principal consacré à la formation et à la mobilisation des collaborateurs.


Librairie Chantelivre à Orléans.

A la fin de l'année 2009, nous avons ouvert une nouvelle librairie Chantelivre place du Martroi au coeur d'Orléans. Après avoir racheté les locaux d'une banque dans un bel immeuble du XVIIIe siècle, la restauration des 400 m² a été pour moi un nouveau métier.... 

Aujourd'hui cette belle librairie avec un espace jeunesse important au 1er étage et une librairie générale de qualité me permet de terminer ma vie professionnelle fièrement.


La vie professionnelle m'a permis de vivre des relations exceptionnelles avec mes enfants, Alexandra qui m'avait rejoint à Cachan en 1998 et qui m'a accompagné à Paris, et Boris qui est venu travailler avec nous à Chantelivre en 2008. Ils pilotent désormais ensemble les librairies Chantelivre.

Avec Nathalie Hadid qui a commencé un apprentissage à Créteil en 1985 et qui travaille aujourd'hui à Chantelivre.

Avec Marie-Thérèse Kaspar, qui dirigeait les librairies Gallimard, et qui a été bien plus qu'une collègue pendant près de trente ans.

Avec Henri Causse (auprès de Jérôme Lindon) dont le rôle a été parfois décisif.

Avec Jean Delas et Jean-Louis Fabre des associés-patrons-amis (je ne trouve pas l'ordre des termes) et tant d'autres.

 

Je vis comme un grand privilège d'avoir pu mener une activité professionnelle parmi les livres, en relation avec des auteurs que j'admirais, en commerce avec des clients avec qui j'ai partagé des enthousiasmes, avec des collègues et des collaborateurs pas ordinaires.....

En marge des librairies

Il y a souvent eu une certaine porosité entre l'activité de libraire et celle d'éditeur. Comme beaucoup d'autres j'ai voulu être éditeur.

Quelques dizaines de livres ont été publiés. J'en évoque ci-dessous quelques uns.

 

 

 

 

"L'Histoire véritable de Guignol" de Paul Fournel a permis à Fédérop de commencer à rêver..... 

 

 

Fédérop, 1975

 

J'avais rencontré "Pépé" lors d'actions de mobilisations suscités par le procès de Burgos, derniers soubresauts du franquisme. Ils y eu ensuite des grêves de plus en plus fréquentes dans toute l'Espagne et en particulier à Barcelone. Il était un acteur central d'un courant héritier des traditions anarcho-syndicalistes.

 

Son livre est une histoire romancée de cette période.

 

Nous n'avons pas su lui permettre d'obtenir le succès que nous espérions.

 

Fédérop, 1975

En 1975 aussi, nous avons publié "La destruction ou l'amour" de Vicente Aleixandre.

  

C'était le seul livre du poète disponible en français lorsque Aleixandre a reçu le Prix Nobel de littérature en 1977.

 

Ce fut pour moi l'occasion de prendre une grande leçon de modestie ; après que le Nobel ait été attribué, les éditions Gallimard ont annoncé qu'elles allaient publier "Poésie totale" dans les prochains mois; il fut alors impossible d'obtenir des mentions de l'existence de notre ouvrage dans la presse.... jusqu'à ce que Bernard Pivot, plus indépendant que d'autres, montre le livre à la fin d'un numéro "d'Apostrophes".

Fédérop, 1975

 

 

 

Daniel Mandon nous a apporté "les barbelés de la culture" son travail universitaire en ethnologie sociale qui a été un succès local avec plusieurs tirages. 

 

Quel personnage complexe ! il a ensuite fait une carrière politique devenant député-maire de Saint-Genest-Malifaux sous une étiquette de droite.

 

 

Fédérop, 1976

 

 

 

Les Doléances des ouvriers en soie de Lyon au moment de la Révolution étaient en avance d'un siècle sur la conscience ouvrière du pays.

 

Présentées par Fernand Rude ces textes n'ont intéressé que quelques spécialistes.

 

 

Fédérop, 1976

 

 

 

 

"Requiem pour un paysan espagnol" de Ramon Sender publié en version bilingue a été le premier succès de presse et succès commercial (modeste). Plus tard le livre a été repris par Actes-sud.

 

Fédérop, 1976

 

 

 

Ana Vasquez (Nicha) restitue sous une forme romanesque, un huis clos dans une ambassade étrangère à Santiago du Chili où ont trouvé refuge des militants appartenant aux diverses groupes politiques et couches sociales de la gauche chilienne.

 

Les dangers qui les menacent tous ne font pas disparaître les conflits qui les opposent.

 

Fédérop, 1977

 

 

 

 

"L'envers de la conquête" c'est l'histoire de l'Amérique Aztèque, Maya et Inca au moment de l'arrivée des "conquistadors" à travers leurs propres expressions.

 

Fédérop, 1977 

 

 

Berliet, Vénissieux. La forteresse ouvrière de l'agglomération lyonnaise. En 1944 le patron-fondateur Marius Berliet et ses fils se retrouvent en prison pour avoir trop "collaboré". Pour administrer l'usine un conseil est constitué avec à sa tête un ingénieur communiste.... Une expérience de gestion "démocratique" va expérimenter ce que l'on appellera plus tard l'autogestion,... avant la normalisation.

 

Garance-Slatkine, 1980

 

 

 

 

Malek Alloula a réuni une collection de cartes postales à travers laquelle "s'esquisse à gros traits l'une des figures de la vision coloniale de l'indigène"...

 

Garance-Slatkine 1981

 

 

 

"La chasse au Snark" de Lewis Carroll est ici présenté sous forme de fiches avec le texte traduit par Jacques Roubaud et des illustrations d'Annie-Claude Martin.

 

C'est magnifique, rares sont ceux qui ont pu s'en apercevoir.

 

Garance-Slatkine 1981

Le début d'une collection de livres pour enfants
Le début d'une collection de livres pour enfants
Garance-Slatkine 1981
Garance-Slatkine 1981

 

 

 

 

Jean Noël de Soye a su rendre Créteil photogénique.... 

 

 

 

Chroniques, 1985

De temps en temps j'ai "fait" de l'édition dans un autre sens ; il s'agissait de trouver un projet de livre et de proposer à un éditeur un montage particulier.

 

 

 

 

 

Ici les éditions Edita de Lausanne m'avaient proposé "L'Histoire de la fourrure" de Robert Delort. J'ai monté un partenariat avec un fourreur de haute couture - Frédéric Castet chez Dior - qui a rendu possible l'édition de ce livre.

Edita 1986

 

 

Une autre fois j'ai organisé un partenariat entre les Editions Nathan et Air France ; nous avons redessiné les avions aux couleurs d'Air France pour éditer (avec un gros tirage) un livre animé en français et en anglais destiné aux enfants à bord des longs courriers d'Air France.

Libraire pour les collectivités

stock de livres pour les enfants des crèches
stock de livres pour les enfants des crèches

La librairie Chroniques de Créteil a vendu des livres à de nombreuses collectivités, particulièrement à des bibliothèques municipales, celles de Créteil et de communes voisines, mais aussi à des bibliothèques scolaires, universitaires ou d'entreprises. 

Un travail particulièrement important a été accompli avec le Conseil général du Val de Marne pour fournir des livres aux enfants des crèches départementales.

Colis préparés pour la livraison aux crèches du Val de Marne dans mon appartement devenu entrepôt provisoire
Colis préparés pour la livraison aux crèches du Val de Marne dans mon appartement devenu entrepôt provisoire

Libraire hors les murs

Chaque année, Chroniques a installé dans le hall de la Maison des Arts de Créteil, une librairie éphémère ouverte de midi à minuit pendant la durée du Festival de Films de Femmes. La librairie proposait des livres sur le cinéma, de la littérature d'auteur(e)s femmes et des documents féministes.

 

Ce genre de participation à des manifestations culturelles a été réalisé assez fréquemment.

Le métier de libraire, c'est quoi ?

Après tant d’années d’activité professionnelle, je suis toujours surpris d’entendre ou de lire des propos qui reflètent une méconnaissance complète de ce métier.

 

Il en est probablement ainsi pour bien d’autres activités, mais cela semble plus facile à admettre lorsqu’il s’agit de professions plus complexes ou rares.

 

Bien sûr de nombreuses personnes pensent qu’un libraire est un marchand de journaux ou de papeterie ; c’est ce que beaucoup de personnes connaissent dans leur environnement immédiat.

Combien de fois des gens demandent du ruban adhésif, des cahiers de brouillon ou des magazines dans des librairies ambitieuses sur le plan culturel ! C’est surprenant mais l’on s’y habitue. Et ce n’est pas vraiment un problème.

 

Par contre la méconnaissance de ce qu’est ce métier est également très répandue chez une partie des lecteurs, parmi les auteurs, les éditeurs, les journalistes et chez ceux qui envisagent d’en faire leur travail.

 

Alors quelles sont les idées reçues – et fausses – à propos de ce métier ?

 

L’idée reçue la plus fréquente, présente les libraires comme des sortes de critiques littéraires.

 

C’est bien pratique dans certains médias de demander à un libraire de donner son avis sur des livres. Les libraires sont flattés, ils assurent leur chronique gratuitement, et ils espèrent en tirer quelque notoriété qui fera de la publicité à leur boutique.

 

Cela présente beaucoup d’inconvénients.

En premier lieu les libraires qui présentent leurs choix de lecture dans des émissions aident de nombreux médias à réduire la place accordée à la vrai critique littéraire. Or la critique est un travail sérieux qui prend du temps et qui est très importante pour qu’existe une vie culturelle autour des livres et une diffusion correcte de la littérature.

 

D’autre part, et du point de vue de la librairie c’est là le plus grave, cela contribue à faire croire à certains libraires qu’il s’agit là de la conception la plus noble de leur métier.

A la suite de quoi ils vont écrire leurs « avis » sur des petites fiches placés sur leurs étalages, mettre en scène leurs « coups de cœur » et autres fadaises.

Le plus brillant dans cette démarche à contre sens est sans doute Gérard Collard de la librairie « la Griffe noire » à Saint-Maur. Il va de plateau télé en studio radio et inonde sa boutique d’avis avec un goût assumé de la provocation. Lui parvient à en tirer profit grâce sans doute à une personnalité particulière, ou à son talent, mais cela n’est en rien un modèle professionnel reproductible sur tout le territoire.

 

Au contraire je pense que le libraire a un rôle essentiel, que lui seul peut assumer dans ce que l’on a coutume d’appeler la chaîne du livre entre l’auteur et le lecteur. Ce rôle consiste, dans une relation singulière avec le lecteur, son client, à faire découvrir à ce client particulier les livres susceptibles de l’intéresser, de le surprendre, de l’informer. Il faut pour cela qu’il consacre une bonne part de son temps à écouter son client, à parler avec lui de ses lectures, à lui faire exprimer ses désirs et à trouver parmi les livres qu’il a en magasin ceux qui peuvent intéresser ce client particulier là.

Evidemment dans cette relation il pourra proposer les livres qu’il aura aimé, mais cela n’a aucun sens de proposer les mêmes à tout le monde.

Même sur internet, les vendeurs à distance essayent d’adapter leur offre à ce qu’ils savent de leurs clients.

 

Une autre idée reçue en apparence contraire, - mais en apparence seulement – fait du libraire le gestionnaire d’un lieu organisé pour laisser le client libre de trouver seul ce qu’il cherche.

Les libraires s’occupent alors d’acheter les livres, de recevoir les représentants des éditeurs et de choisir leur assortiment, de mettre en place les ouvrages sur les tables les présentoirs et les rayons, de commander les réassortiments, d’afficher éventuellement leurs fameux « coups de cœur ».

Ce modèle, dérivant directement de la « distribution soi-disant moderne » c’est-à-dire du libre-service alimentaire des super et hyper marchés, popularisé dans le domaine du livre par la FNAC, a un objectif principal qui est de réduire considérablement les coûts de personnel en supprimant le rôle des vendeurs, et un alibi qui est de laisser le client « libre » de ses choix.

La liberté est bonne fille. En son nom on occulte le fait que les clients sont contraints de suivre la rumeur médiatique ou les « marques » pour choisir au milieu des milliers de possible.

 

Je me souviens d’une visite des grandes librairies londoniennes où faute d’une réglementation des prix des livres, la concurrence est féroce entre les chaînes de distributeurs sur les prix des best-sellers réduisant considérablement les marges sur les « produits » de plus grande vente, et où nous nous trouvions dans des grands rayons sans aucun vendeurs à l’horizon. Il n’y avait plus comme personnel que des caissiers et des vigiles.

 

Au contraire, je pense que le libraire, comme beaucoup d’autres commerçants d’ailleurs, a un rôle essentiel qui se situe dans sa fonction relationnelle, sociale.

Combien de personnes vont au café ou chez un coiffeur surtout pour parler et rencontrer des gens.

Dans une librairie en plus on parle de ce qui vous tient le plus à cœur et qui est au fond des livres, les préoccupations essentielles de la vie….

 

Je me souviens toujours avec émotion d’une cliente qui un jour à Issy-les-Moulineaux a voulu me parler ; cette personne m’a expliqué que depuis des mois elle venait beaucoup à la librairie, souvent plusieurs fois par semaine, mais qu’elle viendrait moins car elle reprenait son travail. Elle m’a raconté que lorsqu’elle a appris qu’elle était malade elle s’est retrouvée très seule. Elle ne pouvait plus travailler, à l’hôpital elle était une patiente et plus une personne normale, on ne lui parlait que de son traitement… elle avait été proche du désespoir. Elle était venue à la librairie un peu par hasard et là elle avait lié des relations avec des vendeurs qui ont parlé avec elle de ses goûts, de ses lectures et qui lui ont proposé des voyages imaginaires… Elle m’a alors dit que la librairie lui avait sauvé la vie, elle m’a remercié et elle est partie très vite.

 

Quand le libraire fait son travail comme cela, il n’a vraiment rien à craindre de la concurrence des grandes surfaces ni des e-marchands sur internet.

 

Par contre les tenants du service-zéro (expression plus exacte que libre-service) sont en train de se suicider pour ceux qui ne sont pas encore morts comme « Virgin » et autres « Chapitre.com ». 

Dans la presse

"Universalia" 1979

arte.tv 

L'avis d'un libraire

LES ENFANTS SONT DES LECTEURS COMME LES AUTRES

 

On dit que les enfants lisent de moins en moins, qu’ils lisent mal, qu’ils lisent n’importe quoi. Pourtant, le secteur "jeunesse" n’a jamais été aussi florissant chez les libraires. Alors, qu'en est-il vraiment ?
Le point de vue de Pierre-Gilles Flacsu, directeur de la librairie Chantelivre à Paris.


................................................La production de livres pour la jeunesse est en hausse depuis plusieurs années. Qu’en est-il des ventes en librairie ?

La production a en effet augmenté en quantité et en qualité, et cette amplification de l’offre s’accompagne d’une augmentation du nombre de lecteurs : contrairement aux idées reçues, les enfants d’aujourd’hui ne passent pas leur temps devant la télévision ou les jeux vidéo. Ils ont à leur disposition un choix extrêmement vaste de livres, même si certaines séries "tirent" les chiffres vers le haut. Il est difficile d’identifier des tendances éditoriales : on assiste aussi bien au développement de romans plutôt réalistes qu’au succès de séries "girly", assez fleur bleue. D’un point de vue graphique, la diversité profite au livre jeunesse : nous sommes en présence d’une richesse de styles et de formats sans précédent.

Et les enfants, que choisissent-ils ? À certains albums, très aboutis graphiquement, ils semblent généralement préférer des formes plus classiques… 
Il y a parfois erreur de cible, bien sûr : certains titres sont de véritables objets graphiques inaccessibles aux enfants, alors qu’ils font le bonheur de leur parents. Mais on se trompe en croyant pouvoir formater le goût des enfants. Ils sont, comme tout lecteur, très différents les uns des autres. À six ans, certains préfèrent se réfugier dans des récits plutôt traditionnels, sans grande audace graphique ou narrative, tandis que d’autres font preuve d’une indiscutable curiosité et vont fureter en quête de livres plus audacieux ou innovants.

La grande nouveauté, c’est que les enfants sont prescripteurs…
C’est là que les choses ont changé. Bien des fois, j’ai vu un parent tenter de mettre un livre dans les mains de son enfant, alors qu’il avait une idée très précise de ce qu’il voulait ! L’effet bouche-à-oreille fonctionne très bien en cour de récréation. Les modes naissent en partie de la télévision – Titeuf étant diffusé en dessin animé, les enfants se sont jetés sur la bande dessinée –, mais on peut remarquer que l’enfant est au centre des stratégies commerciales, parce qu’il est considéré comme décideur. Après avoir entendu, par exemple, la maîtresse raconter l’histoire d’un livre, certains veulent l’acheter aussitôt, pour se rendre possesseurs de cette lecture. Ils créent d’eux-mêmes leur itinéraire, certains par le biais d’une collection, d’autres par celui d’un auteur qu’ils aiment, d’autres enfin sans repères particuliers.

On suppose, à vous entendre, que vous n’êtes pas un défenseur forcené des indications de tranches d’âge en couverture des livres ?
Je trouve cela tout à fait absurde. Les enfants, comme n’importe quel lecteur adulte, peuvent être tentés de choisir un livre difficile lorsqu’ils se sentent capables de l’affronter, ou à l’inverse de s’accorder parfois le plaisir de lire une histoire plus facile. En outre, le niveau de lecture a fort peu à voir avec l’âge, tout dépend de l’éveil des enfants. Cette idée d’une tranche d’âge qui scinde la littérature en niveaux de difficulté me paraît incongrue. Allons plus loin : on peut identifier une littérature "médiane", qui fait le pont entre lecteurs ados et jeunes adultes. Combien d’adultes lisent Harry Potter ? Combien de livres ayant connu de grands succès chez les adultes ont été réédités en jeunesse ? À travers certains genres en particulier – polar, fantastique et SF –, la différence entre littérature jeunesse et adulte devient floue. Dans notre librairie, ces rayons sont disposés les uns à la suite des autres, suivant une progression fluide : je remarque souvent que nos clients font la navette entre les deux. De jeunesse ou non, c’est de la littérature !

Propos recueillis par Tibo Bérard

 

Edité le : 12-12-05

 

Contact

pgflacsu@gmail.com

Tél : (33) 06.71.71.53.45